Si vous attendez (ce dont je doute) une analyse du rangement en bataille des partis politiques pour les élections législatives du 30 juin, vous serez certainement déçus ce lundi car j'ai jugé le vacarme médiatique suffisamment assourdissant pour m'éloigner du cirque électoral. Les frontières du ridicule et de la veulerie ont été franchies, les lignes rouges soigneusement gommées, l'allèchement des candidats par la juteuse prébende écrasant toute raison. Le plat de lentilles d'Esaü est presque partout la règle morale. Il reste néanmoins par ci par là des gens honnêtes en péril. A vous de les trouver et de sauver le soldat-député méritant. Un petit événement d'importance est passé ailleurs sous les radars de la presse mainstream, mais il a été signalé par la Charte de Fontevrault. C'est l'extinction d'une colère, emblématique d'une époque révolue, celle de la charité aveugle. On reviendra aux législatives la semaine prochaine parce qu'il faut laisser décanter les espérances.
Qui donc a réuni vingt mille fidèles pour sa dernière messe pontificale ?
Le pape Machin, me dit-on dans l'oreillette. Vous n'y êtes pas. Le même jour, des milliers d'autres dans d'autres villes se sont réunis dans des églises en écho de cette finale aux grandes orgues. C'était le 22 janvier 1995 en la cathédrale d'Evreux. Ce vendredi-là, Jacques Gaillot, évêque du cru en un diocèse jureur, disait sa dernière messe d'épiscope avant de rejoindre in partibus l'évêché fantôme de Parthenia. Il n'est pas d'exemple dans l'histoire moderne de l'Eglise romaine d'une autre révocation d'un prélat aussi populaire. Sa destitution par SS Jean-Paul II avait noyé la nonciature sous les courriers de protestation.
Evêque scandaleux jusqu'à la caricature ou évêque scandalisé ?
Le stigmate du scandale poursuivra toute sa vie Mgr Gaillot, donnant du grain à moudre à tout le monde, à charge comme à décharge. Grand brûlé du Concile Vatican II, il avait cru en la promesse d'une lutte à mort contre le cancer social de la pauvreté et de l'exclusion, en oubliant que l'Eglise s'inscrit toujours sur une épure politique qu'elle ne maîtrise plus. Meilleur tribun que diplomate, il pètera les plombs à maintes reprises pensant emporter une décision, une réforme, une réorientation par le tapage. Il fut vaincu par la raison d'Etat, d'autant que ses disciples in Parthenia se situaient au cœur même de l'Eglise. Laïcs engagés dans le service des paroisses, diacres, catéchistes, tous confrontés à la pénurie de vocations qu'ils attribuent à la rigidité des principes gouvernant la doctrine sociale de l'église, ignorant le ressac de la déchristianisation qui remonte à la Renaissance ; tous ceux-là, des milliers, suivaient Monseigneur Gaillot dans ses exaspérations, ses foucades, ses maladresses contre-productives, son mal-être et son tropisme de bon samaritain. Il prendra sa revanche sur l'institution en mettant du contenu dans son évêché des sables disparu. Il en fit une structure de combat à son idée contre la misère protéiforme jusqu'à ce que ses forces le quittent. Jusqu'au bout il a dénié aux hommes-juges le droit de juger leurs semblables, reportant leur comparution au Jugement dernier. Par son rousseauisme, il laissait passer la charité avant la justice, ce qui ne pouvait que le pousser au fossé. Il y roula maintes fois et parvint toujours à s'en extraire. Sa devise épiscopale aurait pu être : "De bec et d'ongles ad limitum".
Un cancer foudroyant du pancréas l'a emporté il y a deux mois à Paris. La messe d'obsèques fut présidée par l'archevêque de Paris à Saint-Médard. C'était comble bourré. Six évêques et quarante prêtres sont venus entendre le message spécial du pape François autour du corps astral sans cercueil du défunt qui avait donné sa guenille charnelle à la science. C'était le 19 avril dernier. Jusqu'au bout, l'Eglise se souviendra de Jacques Gaillot.
L'homélie du spiritain de service fut un modèle du genre, qui se termine ainsi :
« ... La poésie de Jacques a longtemps rimé avec Partenia, cette auberge dans laquelle il a conduit des milliers de blessés de la vie, de l’Église, de la société. Des femmes, des hommes, des jeunes, qui dans l’église et hors de l’église, avaient le sentiment de ne pas exister, celles et ceux qui se sentaient laissés au bord du chemin, non concernés par ce qui leur était proposé. Ils trouvaient là, dans ce diocèse virtuel, inventé pour eux, une ressource de foi, une proposition d’espérance, un havre de paix, un baume d’amour, une humanité bien charnelle qui leur permettaient de cicatriser leurs profondes blessures.
Avec Droits devant, les engagements rimaient avec un soutien indéfectible aux sans-papiers, ces migrants en quête de vie, parqués dans des bidonvilles insalubres, dans nos banlieues, souvent pas loin de déchetteries, de lignes de chemin de fer, d’autoroutes ou de cimetières.
« A travers l’art du sens du service qui était devenu chez lui comme une seconde nature, Jacques a su se rendre le prochain de tous ces blessés, qui avaient besoin, à un moment de leur vie, d’une parole, d’un geste, d’un soutien, d’un regard bleu de compassion. Et si notoriété il a eu, il s’en est servi, au cours de ses nombreuses manifestations, pour le soutien de ces exclus, de ces incompris, de ces souffrants.
N’était-ce pas là la place d’un évêque ? Question bien ancienne ! N’était-ce pas la place de Jésus sur les chemins de Palestine, à la table des publicains et des pécheurs, se laissant toucher par des femmes de mauvaise vie ? La croix n’était effectivement pas la place du fils de Dieu, mais l’homme l’y a bien crucifié !
Jacques, que le poème de ta vie, continue encore longtemps à enduire avec le baume de l’amour, les blessures des mutilés que notre monde, notre société, notre église laisse au bord du chemin ! »
(texte intégral avec le portrait du défunt)
ALSP !
16 juin 2024
09 juin 2024
Une semaine rare
Steppique s'il en fut que cette vingt-troisième semaine de l'an 24 ! Outrances électoralistes, émotions du Débarquement, le dîner des Biden, les bombes d'Israël, les Soulèvements de la terre incendiaires, les Mirage-tiret-cinq de la catégorie des promesses qui n'engagent que ceux qui les entendent, gagner Roland-Garros à vingt-et-un an contre le tombeur de Nadal tandis que je déchiffrais le Scarabée d'or d'Edgar Poe et pour finir, le pétardage de la Chambre basse par zombification de la macronie aux élections européennes. Au résultat, nous envoyons quatre-vingt-un rationnaires au parlement fédéral dont une trentaine n'y fera que du lard puisqu'ils sont contre l'institution par principe et en même temps, nous ouvrons en France une crise politique d'ampleur.
Il n'y avait cette fois pas de vote utile pour la simple raison que le parlement de Strasbourg est peu utile, même s'il est dans la boucle. Le vrai pouvoir reste dans les mains de la Commission européenne qui est rompue à faire passer ses propositions tant au Conseil des Etats que du Parlement pour les publier en directives de son cru par la suite. Lesquelles sont transposées à-la-manière-de au niveau national. Vous pouviez donc voter pour une liste à l'audience minuscule pour vous faire plaisir, que cela n'aurait rien changé plus tard à Bruxelles, quoiqu'en disent médiats et docteurs intéressés.
La suite du mélodrame français au 30 juin pour le premier tour des élections législatives, puis le 7 juillet pour la procédure de cohabitation.
ALSP !
Il n'y avait cette fois pas de vote utile pour la simple raison que le parlement de Strasbourg est peu utile, même s'il est dans la boucle. Le vrai pouvoir reste dans les mains de la Commission européenne qui est rompue à faire passer ses propositions tant au Conseil des Etats que du Parlement pour les publier en directives de son cru par la suite. Lesquelles sont transposées à-la-manière-de au niveau national. Vous pouviez donc voter pour une liste à l'audience minuscule pour vous faire plaisir, que cela n'aurait rien changé plus tard à Bruxelles, quoiqu'en disent médiats et docteurs intéressés.
La suite du mélodrame français au 30 juin pour le premier tour des élections législatives, puis le 7 juillet pour la procédure de cohabitation.
ALSP !
02 juin 2024
Européennes
Dans sept jours vous aurez, une fois n'est pas coutume, votre mot à dire sur l'Union européenne. Il serait stupide d'utiliser ce droit pour dire autre chose à tout autre pouvoir ambiant. C'est de l'Europe qu'il s'agit, de l'Europe menacée, fébrile, stratégiquement débordée, d'une Union gouvernée jusqu'ici par les trois peintres*. On n'a jamais fait pire, mais si l'on écoute certains, on pourrait quand même descendre encore. L'Europe est cette année à la croisée des chemins, ou mieux dit, à la croisée des projets. Il n'y a que deux projets : la fédération des Etats comme y pousse M. Macron, à la carte ou au menu ; la confédération des nations. En fait la question n'a jamais été posée aux peuples européens. Ses "élites" ont pris le parti de la fédération dans une imitation très imparfaite des Etats Unis d'Amérique et elles ont forcé l'accord des votants au principe de raison. En résumé, il n'y avait pas le choix ! Tout autre organisationn que fédérale sortait de l'histoire. Pourtant, une grande partie de l'Europe garde les traces du Saint Empire romain-germanique qui fut un espace incroyable de libertés durant des siècles et tira le développement économique de tout le continent. Exemple à suivre ? Qu'en sais-je ! A étudier, certainement.
* les 3 peintres sont le président belge et très con, Charles Michel, la présidente allemande autoritaire mais vite fatiguée au suivi, Ursula von der Leyen dont Angela Merkel avait réussi à se débarrasser, et le diplomate catalan qui apprend tous les jours sans trop mémoriser ses leçons, Josep Borrell.
Aujourd'hui nous allons esquisser une confédération des nations, parce qu'on n'en parle jamais, sauf à évoquer en coup de vent une "Europe des nations" que personne n'a voulu définir.
Dans ce projet, les nations demeurent ou redeviennent souveraines sauf à l'impossible. En quoi se manifeste la souveraineté de chaque nation ? Dans l'autodécision à gouverner le domaine régalien. Quel est-il ? Il est composé de cinq budgets d'application, la haute justice, les affaires étrangères, le Trésor, l'armée et la police. Pas un de plus. Sur ces sujets l'institution européenne ne peut intervenir. Tout le reste a vocation à coopérer.
En quoi se matérialise la confédération européenne ? Dit autrement, quels domaines maîtrise-t-elle de soi ? C'est très simple, mais d'abord par qui et comment est-elle représentée ?
Facile. Un Conseil permanent des Etats actionnant un secrétariat général gouvernant les ministères fédéraux ad hoc. Une assemblée parlementaire de contrôle et proposition législative pour avoir le label démocratique. Tout existe déjà, il ne suffit que de le redéfinir.
Dès lors, quel est le champ des compétences confédérales ? Je propose d'en rester à l'essentiel :
Dans ce projet, quels sont les domaines ouverts à des coopérations ? Ils sont très nombreux et ne réclament aucune unanimité pour leur mise en place. La coopération est à la carte dans des cadres bilatéraux, multilatéraux voire confédéraux. Tout y est défini sur contrat dans le but d'avantager en commun une production, une sûreté, un avantage spécifique. Citons quelques exemples pour venir ensuite à la question de la guerre.
On parle beaucoup et à juste titre de défense européenne. Il vaudrait mieux parler aujourd'hui de réarmement collectif dans le cadre d'une préparation à la guerre contre un ennemi désigné. C'est plus simple et direct. Les collaborations bilatérales ou multilatérales des bases industrielles de défense ne marchent pas autant qu'il le faudrait. La pression des Etats-Unis pour fournir son matériel en retour de sa protection nucléaire y est pour beaucoup ; l'agenda caché de la chancellerie de Berlin fait le reste qui vit dans la crainte d'un découplage atlantique. Après avoir exploré voie et moyens d'obtenir une sécurité européenne autonome, on en revient à ce qui marche, le dispositif de l'OTAN et ses commandements alliés rompus aux manoeuvres et prêts pour les quinze années qui viennent. Mais la vraie démarche à faire au-delà des conférences martiales est de tout simplement augmenter les crédits militaires nationaux au niveau requis par la menace. 3%PIB pour commencer ; 4%PIB à suivre. Cet effort est à financer sur les prestations sociales open bar qui sont en train de couler le navire. L'objectif étant comme toujours... de faire peur ! Plus nous inspirerons une sainte crainte à nos contempteurs, moins nous aurons de "chance" d'ouvrir les hostilités. Pour le moment, il ne semble pas que l'OTAN inspire une terreur suffisante aux dirigeants russes qui poussent partout à la guerre hybride sous le seuil de la guerre à outrance. Il ne faut donc pas se focaliser sur les élections américaines de novembre prochain mais plutôt sur la réforme de la dépense publique européenne pour atteindre les niveaux d'équipements nécessaires à la mission globale de terrification. Nul ne sait ce que fera de l'Article 5 le vainqueur de l'élection, pas même lui ! N'y prêtons pas attention plus que de raison, et faisons déjà notre part.
Au-delà de la défense, qu'en est-il de l'attaque ? Si l'Europe du XXIè siècle a dû abandonner toute idée de conquête martiale d'espaces concurrents ou attrayants en termes de ressources transformables, l'hégémonie mentale et culturelle n'a pas disparu pour autant. Les élites européennes jugent tout partenaire de l'Union au crible de leurs valeurs réputées universelles, fondées maintenant sur le système politique et les libertés sociétales. Elles ne veulent pas comprendre les contraintes supportées par bien des pays étrangers qui les empêchent d'européaniser leurs sociétés, et demandent au contraire à ceux-ci de progresser vers le modèle indépassable construit chez nous sous la dictature de minorités armées par le réveil de l'être sartrien dans tous les compartiments du jeu social.
Le premier ministre du Sénégal vient d'établir clairement la frontière de nos influences en déclarant que les droits des LGBT+ sont une marotte occidentale inapplicable dans son pays qui ne ressemble en rien à aucun pays européen. Ailleurs, le débondage de crédits de développement - forcément liés à la problématique de l'émigration - est conditionné à une meilleure visibilité des apparences de la démocratie chez des peuples organisés bien autrement que le nôtre, chez qui elle n'apporte rien. Mais les censeurs européens s'obstinent dans la voie hégémonique parce qu'elle est la pente naturelle du continent depuis la Renaissance. Il n'est de beau que nous !
Si vous êtes amateur de thèses lourdes, Jocelyn Benoist a publié un article "Autour d'Edmund Husserl" à propos de l'Europe et de son imperium, sur le blog philosophique Jadis l'herbe. On y accède en cliquant ici. Extrait sur le continent-monde tel que les peuples d'Europe occidentale le voient :
En résumé... (vous pensez qu'il est temps ?)
Nous avons besoin d'une confédération des Etats européens indépendants pour faire ensemble ce que chacun ne peut mieux faire seul, au lieu d'une fédération caporalisante qui favorise le bourgeonnement d'une technocratie capable de capter tous les pouvoirs et surtout les études, jusqu'à servir de cerveau aux chefs d'Etats et de gouvernements du Conseil actuel. On n'a pas parlé de la monnaie. Il n'y a rien à en dire. D'expérience maintenant et contre tous les "principes monétaristes", nous bénéficions d'une monnaie internationale qui tient son rang sur les marchés et qui est mise en réserve chez toutes les banques centrales de la planète. Si la gestion de la BCE peut être améliorée, l'utilité de la monnaie commune ne se discute même plus ; sauf peut-être encore par les orang-outangs de la vieille économie comme Charles Gave. Il vient de prédire l'effondrement de l'Union européenne pour la Toussaint !
Alors dimanche ?
Rien ! Il n'y a pas de parti confédéral qui sache articuler des institutions communes ramassées sur des domaines rétrécis et durcis. La tendance - et les débats télévisés le montrent bien - la tendance est à s'occuper de tout, jusqu'au nombre de petits pois dans la cosse et la sanctuarisation de l'avortement dans les traités ! C'est notre plus grossière erreur que d'accepter cette connerie minutieuse ; ce n'est pas un carton rouge qu'il faut sortir, mais l'essence gélifiée au phosphore blanc.
ALSP pour les résultats du scrutin !
* les 3 peintres sont le président belge et très con, Charles Michel, la présidente allemande autoritaire mais vite fatiguée au suivi, Ursula von der Leyen dont Angela Merkel avait réussi à se débarrasser, et le diplomate catalan qui apprend tous les jours sans trop mémoriser ses leçons, Josep Borrell.
Aujourd'hui nous allons esquisser une confédération des nations, parce qu'on n'en parle jamais, sauf à évoquer en coup de vent une "Europe des nations" que personne n'a voulu définir.
Dans ce projet, les nations demeurent ou redeviennent souveraines sauf à l'impossible. En quoi se manifeste la souveraineté de chaque nation ? Dans l'autodécision à gouverner le domaine régalien. Quel est-il ? Il est composé de cinq budgets d'application, la haute justice, les affaires étrangères, le Trésor, l'armée et la police. Pas un de plus. Sur ces sujets l'institution européenne ne peut intervenir. Tout le reste a vocation à coopérer.
En quoi se matérialise la confédération européenne ? Dit autrement, quels domaines maîtrise-t-elle de soi ? C'est très simple, mais d'abord par qui et comment est-elle représentée ?
Facile. Un Conseil permanent des Etats actionnant un secrétariat général gouvernant les ministères fédéraux ad hoc. Une assemblée parlementaire de contrôle et proposition législative pour avoir le label démocratique. Tout existe déjà, il ne suffit que de le redéfinir.
Dès lors, quel est le champ des compétences confédérales ? Je propose d'en rester à l'essentiel :
- Edicter et faire appliquer les règles du marché unique des biens, denrées et services ;
- Normer pour tout l'espace économiquee européen ;
- Rechercher et préserver la souveraineté alimentaire du continent ;
- Rechercher et préserver la souveraineté des bases pharmaceutiques ;
- Assurer la libre circulation des personnes, matières et capitaux ;
- Assurer la protection du périmètre commun par la douane, les garde-côtes et les garde-frontières.
Dans ce projet, quels sont les domaines ouverts à des coopérations ? Ils sont très nombreux et ne réclament aucune unanimité pour leur mise en place. La coopération est à la carte dans des cadres bilatéraux, multilatéraux voire confédéraux. Tout y est défini sur contrat dans le but d'avantager en commun une production, une sûreté, un avantage spécifique. Citons quelques exemples pour venir ensuite à la question de la guerre.
- Marché commun de l'électricité
- Coopérations capitalistiques industrielles
- Quota de pêche
- Lutte contre le terrorisme et le narco-trafic
- Aérospatiale
- Missilerie
- Etc...
On parle beaucoup et à juste titre de défense européenne. Il vaudrait mieux parler aujourd'hui de réarmement collectif dans le cadre d'une préparation à la guerre contre un ennemi désigné. C'est plus simple et direct. Les collaborations bilatérales ou multilatérales des bases industrielles de défense ne marchent pas autant qu'il le faudrait. La pression des Etats-Unis pour fournir son matériel en retour de sa protection nucléaire y est pour beaucoup ; l'agenda caché de la chancellerie de Berlin fait le reste qui vit dans la crainte d'un découplage atlantique. Après avoir exploré voie et moyens d'obtenir une sécurité européenne autonome, on en revient à ce qui marche, le dispositif de l'OTAN et ses commandements alliés rompus aux manoeuvres et prêts pour les quinze années qui viennent. Mais la vraie démarche à faire au-delà des conférences martiales est de tout simplement augmenter les crédits militaires nationaux au niveau requis par la menace. 3%PIB pour commencer ; 4%PIB à suivre. Cet effort est à financer sur les prestations sociales open bar qui sont en train de couler le navire. L'objectif étant comme toujours... de faire peur ! Plus nous inspirerons une sainte crainte à nos contempteurs, moins nous aurons de "chance" d'ouvrir les hostilités. Pour le moment, il ne semble pas que l'OTAN inspire une terreur suffisante aux dirigeants russes qui poussent partout à la guerre hybride sous le seuil de la guerre à outrance. Il ne faut donc pas se focaliser sur les élections américaines de novembre prochain mais plutôt sur la réforme de la dépense publique européenne pour atteindre les niveaux d'équipements nécessaires à la mission globale de terrification. Nul ne sait ce que fera de l'Article 5 le vainqueur de l'élection, pas même lui ! N'y prêtons pas attention plus que de raison, et faisons déjà notre part.
Au-delà de la défense, qu'en est-il de l'attaque ? Si l'Europe du XXIè siècle a dû abandonner toute idée de conquête martiale d'espaces concurrents ou attrayants en termes de ressources transformables, l'hégémonie mentale et culturelle n'a pas disparu pour autant. Les élites européennes jugent tout partenaire de l'Union au crible de leurs valeurs réputées universelles, fondées maintenant sur le système politique et les libertés sociétales. Elles ne veulent pas comprendre les contraintes supportées par bien des pays étrangers qui les empêchent d'européaniser leurs sociétés, et demandent au contraire à ceux-ci de progresser vers le modèle indépassable construit chez nous sous la dictature de minorités armées par le réveil de l'être sartrien dans tous les compartiments du jeu social.
Le premier ministre du Sénégal vient d'établir clairement la frontière de nos influences en déclarant que les droits des LGBT+ sont une marotte occidentale inapplicable dans son pays qui ne ressemble en rien à aucun pays européen. Ailleurs, le débondage de crédits de développement - forcément liés à la problématique de l'émigration - est conditionné à une meilleure visibilité des apparences de la démocratie chez des peuples organisés bien autrement que le nôtre, chez qui elle n'apporte rien. Mais les censeurs européens s'obstinent dans la voie hégémonique parce qu'elle est la pente naturelle du continent depuis la Renaissance. Il n'est de beau que nous !
Si vous êtes amateur de thèses lourdes, Jocelyn Benoist a publié un article "Autour d'Edmund Husserl" à propos de l'Europe et de son imperium, sur le blog philosophique Jadis l'herbe. On y accède en cliquant ici. Extrait sur le continent-monde tel que les peuples d'Europe occidentale le voient :
« Pour Husserl, esprit rime avec homme (Mensch) et, thèse fondamentale, il n’y a pas d’homme auquel on puisse dénier à bon droit ce titre d’humain qui est le sien, donc son esprit. La différence anthropologique (de l’homme à la bête) ne suffit heureusement pas à fonder l’européanité, et cela vis-à-vis de qui que ce soit.
C’est que la thèse de l’esprit, héritée de l’herméneutique, n’a pas d’autre signification que de récuser la pertinence de la biologie en ces matières : l’homme comme tel, et quel qu’il soit, échappe radicalement à l’ordre de l’animalité telle que la biologie en fait son objet d’étude. C’est dire aussi bien que les différences entre les hommes en tant que tels - même si par ailleurs subsistent des différences relevant de l’anthropologie physique - ne sont pas physiques mais spirituelles. Les différences anthropologiques (de certains hommes à d’autres) sont alors différences d’esprits différents, donc ni physiques, ni différences de ce qui serait doué d’esprit à ce qui ne le serait pas, et c’est en ce sens qu’il n’y a pas de zoologie des peuples, selon un énoncé célèbre tant par sa teneur que par sa rencontre tragique avec son époque (1935). Mais Husserl va plus loin.
Il y a quelque chose d’autre que l’esprit, ou du moins il y a un esprit qui porte en lui un autre de l’esprit. En d’autres termes, il y a une communauté d’hommes dont la différence avec les autres communautés n’est pas réductible à ce cadre général de la différence anthropologique : il y a dans l’Europe quelque chose d’un genre unique.
Un esprit, c’est un monde, ou disons une représentation du monde (si tant est que cela puisse traduire la Weltanschaung allemande), et il y a bel et bien des mondes, ce qui se manifeste aussi bien par le sentiment d’étrangeté qui me saisit si je sors de mon aire culturelle, dans l’opposition d’un chez moi (Heimwelt, en résonance avec la Heimat sans doute) et d’un étranger. De ce point de vue-là, l’Europe, comme esprit, c’est un monde. Mais ce monde n’est pas un monde comme les autres, et son étrangeté aux autres n’a pas ici - ou plutôt pas seulement - la signification habituelle. Car ce qui caractérise ce monde européen, c’est sa prétention à ne pas être un de ces mondes, mais précisément le monde (die Welt), au sens où il ne peut y en avoir qu’un. Énoncé paradoxal, car chacun ne prétend-il pas que le monde soit le sien ? Mais justement cette prétention, comme aspiration (Streben), n’a pas cette signification naïve de la réduction du monde aux limites de mon monde (Heimwelt). Bien plutôt la thèse du monde instaure-t-elle le dépassement radical de tout Heimwelt vers le monde en général.
Les autres mondes sont bien sûr aussi bien candidats à la normativité et à l’excellence, au sens où ils s’éprouvent et se représentent plus et mieux mondes que les mondes étrangers. Mais la différence précisément, c’est qu’ils n’ont pas la perception thématique du monde comme tel, c’est-à-dire de quelque chose qui serait censé être commun à tous les mondes dans la mesure même où cela les dépasserait dans leur mondéité respective. Leurs mondes n’ont pas d’horizon, du moins d’horizon conscient : à côté il y a d’autres mondes, forcément inférieurs au leur, dans la mesure même où la mondanéité, comme être-dans-un-monde particulier est une normativité, mais manque l’au-delà du monde en général, sur le fond duquel la mondanéité comme être toujours dans un monde particulier prend seulement sa signification de faire monde. Cet au-delà l’Europe serait censée en détenir le monopole, monopole ambigu s’il en est, puisque ne pouvant avoir d’autre conséquence que la suppression - ou du moins la relativisation - de tout monopole.»
C’est que la thèse de l’esprit, héritée de l’herméneutique, n’a pas d’autre signification que de récuser la pertinence de la biologie en ces matières : l’homme comme tel, et quel qu’il soit, échappe radicalement à l’ordre de l’animalité telle que la biologie en fait son objet d’étude. C’est dire aussi bien que les différences entre les hommes en tant que tels - même si par ailleurs subsistent des différences relevant de l’anthropologie physique - ne sont pas physiques mais spirituelles. Les différences anthropologiques (de certains hommes à d’autres) sont alors différences d’esprits différents, donc ni physiques, ni différences de ce qui serait doué d’esprit à ce qui ne le serait pas, et c’est en ce sens qu’il n’y a pas de zoologie des peuples, selon un énoncé célèbre tant par sa teneur que par sa rencontre tragique avec son époque (1935). Mais Husserl va plus loin.
Il y a quelque chose d’autre que l’esprit, ou du moins il y a un esprit qui porte en lui un autre de l’esprit. En d’autres termes, il y a une communauté d’hommes dont la différence avec les autres communautés n’est pas réductible à ce cadre général de la différence anthropologique : il y a dans l’Europe quelque chose d’un genre unique.
Un esprit, c’est un monde, ou disons une représentation du monde (si tant est que cela puisse traduire la Weltanschaung allemande), et il y a bel et bien des mondes, ce qui se manifeste aussi bien par le sentiment d’étrangeté qui me saisit si je sors de mon aire culturelle, dans l’opposition d’un chez moi (Heimwelt, en résonance avec la Heimat sans doute) et d’un étranger. De ce point de vue-là, l’Europe, comme esprit, c’est un monde. Mais ce monde n’est pas un monde comme les autres, et son étrangeté aux autres n’a pas ici - ou plutôt pas seulement - la signification habituelle. Car ce qui caractérise ce monde européen, c’est sa prétention à ne pas être un de ces mondes, mais précisément le monde (die Welt), au sens où il ne peut y en avoir qu’un. Énoncé paradoxal, car chacun ne prétend-il pas que le monde soit le sien ? Mais justement cette prétention, comme aspiration (Streben), n’a pas cette signification naïve de la réduction du monde aux limites de mon monde (Heimwelt). Bien plutôt la thèse du monde instaure-t-elle le dépassement radical de tout Heimwelt vers le monde en général.
Les autres mondes sont bien sûr aussi bien candidats à la normativité et à l’excellence, au sens où ils s’éprouvent et se représentent plus et mieux mondes que les mondes étrangers. Mais la différence précisément, c’est qu’ils n’ont pas la perception thématique du monde comme tel, c’est-à-dire de quelque chose qui serait censé être commun à tous les mondes dans la mesure même où cela les dépasserait dans leur mondéité respective. Leurs mondes n’ont pas d’horizon, du moins d’horizon conscient : à côté il y a d’autres mondes, forcément inférieurs au leur, dans la mesure même où la mondanéité, comme être-dans-un-monde particulier est une normativité, mais manque l’au-delà du monde en général, sur le fond duquel la mondanéité comme être toujours dans un monde particulier prend seulement sa signification de faire monde. Cet au-delà l’Europe serait censée en détenir le monopole, monopole ambigu s’il en est, puisque ne pouvant avoir d’autre conséquence que la suppression - ou du moins la relativisation - de tout monopole.»
En résumé... (vous pensez qu'il est temps ?)
Nous avons besoin d'une confédération des Etats européens indépendants pour faire ensemble ce que chacun ne peut mieux faire seul, au lieu d'une fédération caporalisante qui favorise le bourgeonnement d'une technocratie capable de capter tous les pouvoirs et surtout les études, jusqu'à servir de cerveau aux chefs d'Etats et de gouvernements du Conseil actuel. On n'a pas parlé de la monnaie. Il n'y a rien à en dire. D'expérience maintenant et contre tous les "principes monétaristes", nous bénéficions d'une monnaie internationale qui tient son rang sur les marchés et qui est mise en réserve chez toutes les banques centrales de la planète. Si la gestion de la BCE peut être améliorée, l'utilité de la monnaie commune ne se discute même plus ; sauf peut-être encore par les orang-outangs de la vieille économie comme Charles Gave. Il vient de prédire l'effondrement de l'Union européenne pour la Toussaint !
Alors dimanche ?
Rien ! Il n'y a pas de parti confédéral qui sache articuler des institutions communes ramassées sur des domaines rétrécis et durcis. La tendance - et les débats télévisés le montrent bien - la tendance est à s'occuper de tout, jusqu'au nombre de petits pois dans la cosse et la sanctuarisation de l'avortement dans les traités ! C'est notre plus grossière erreur que d'accepter cette connerie minutieuse ; ce n'est pas un carton rouge qu'il faut sortir, mais l'essence gélifiée au phosphore blanc.
ALSP pour les résultats du scrutin !
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