20 juillet 2025

Du plomb dans les rouages politiques

"Dans l'aile", personne n'ose la faire, "dans la tête" non plus ! La loi Duplomb* qui condamne les insectes pollinisateurs au bénéfice de l'agriculture chimique basée sur les néonicotinoïdes a suscité un million de pétitionnaires sur le site ad hoc de l'Assemblée nationale ; c'est extrêmement rare, du jamais vu ! Elle a été déposée par une étudiante bordelaise de 23 ans en master d'écologie QSE/RSE. Éléonore Pattery. Elle vient de se faire un nom.

Note*: Le texte de loi lève les contraintes entourant le métier d’agriculteur avec...
  • la réintroduction encadrée de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes (voir plus bas) ;
  • la facilitation des ouvrages de stockage d’eau, comme les mégabassines ;
  • l’assouplissement des règles en matière d’élevage intensif qui augmenteront les effluents d’élevage, l'euthrophisation et les marées vertes avec 30 ou 40 ans de temps de purge des sols en zone littorale après pollution (allégations du Cnrs)

La pétition dénonce la loi Duplomb comme une "aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire", affirmant qu'elle représente "une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens". J'aime bien le "bon sens", c'est ce qui en France nous manque le plus !

Les hommes de l'Etat (comme les appelle Hans-Hermann Hoppe) ont la terreur des idées simples tant ils sont formés à la logorrhée politique qui doit tout enrober à défaut d'expliquer, une forme de gangrène gazeuse qui putréfie l'esprit de toute la société. Ils dénoncent les idées de bons sens comme des idées courtes, trop courtes, insuffisantes à faire un powerpoint. Ils nous gonflent de billevesées, d'éléments de langage, de langue de bois et sont indétrônables à l'oral. A l'écrit, c'est pire : il leur faut des pages pour la moindre loi, et obligatoirement un décret d'application qui est le plus souvent un décret d'explication tant le texte voté est obscur. Pour survivre, ce pays devra absolument éliminer la graisse bureaucratique et réduire drastiquement le périmètre d'intervention de l'Etat nouveau. Il faut tout remettre à plat, en désintoxicant la nation à l'assistanat et en rééduquant un peuple jadis fier à se prendre en charge.

Après un million de signataires sur la pétition Pattery (et ça continue de grimper), la conférence des présidents de groupes de l’Assemblée nationale peut désormais s’en saisir pour organiser un débat en séance publique, bien qu'il soit peu probable que la Ioi votée soit pour autant abolie, comme le demandent les pétitionnaires. Le sénateur Duplomb est déjà monté au créneau pour sauver Jacques le Croquant avec un mensonge supplémentaire à tous ceux qu'il a prononcés en soutien de sa proposition de loi. Mais si le bruit tourne au vacarme pendant les vacances et gâche les heures de piscine, l'exécutif pourrait bien innover pour sauver les meubles avant le débat budgétaire du siècle. On fera son profit de l'article fouillé du Bon Pote ci-après, pour se convaincre de la nuisance parlementaire et des approximations du sénateur Duplomb. Nous en reprenons les intertitres, vous laissant tout loisir d'approfondir la question en cliquant ici :
  1. l’autorité européenne de sécurité des aliments n’a pas interdit l’acétamipride, considérant qu’il n’y a pas de risque. C’EST FAUX.
  2. les scientifiques européens sont tous d’accord pour autoriser l’acétamipride… C’EST FAUX.
  3. les néonicotinoïdes en enrobé ne sont pas dangereux pour les abeilles/l’environnement… C’EST FAUX.
  4. il n’y pas d’alternatives aux néonicotinoïdes : C’EST FAUX.
  5. sans néonicotinoïdes, la filière betterave est morte… C’EST FAUX.
  6. les normes environnementales de la France tuent son agriculture… C’EST FAUX.

En fait, c'est le CNRS qui mène la charge contre la loi Duplomb avec des arguments que l'on peut entendre. Extrait de sa lettre à Gabriel Attal qui l'a votée en même temps qu'il se drappe dans les vertus écologiques pour refuser l'abrogation des ZFE :
« La réautorisation pour 3 ans de plusieurs substances pesticides, Acétamipride et Flupyradifurone : l’acétamipride en particulier présente de multiples risques pour la santé humaine, en particulier en regard du développement du système nerveux chez les enfants, qui ont suscité une interrogation grave en 2013, restée pour l’instant sans réponse scientifique au niveau européen mais nécessitant de baisser les doses résiduelles admissibles.>

Cette substance passe en outre la barrière placentaire et hémato-méningée et on l’a retrouvée par exemple dans le liquide céphalo-rachidien d’enfants en Suisse D’autres effets commencent à être documentés, de type cancérogène (avec des effets en regard du stress anti-oxydant) ou perturbateur endocrinien et demanderaient pour le moins la mise en place d’un fort principe de précaution et d’un plan d’évaluation scientifique.

Ce problème de toxicité pour les humains est aggravé par les caractéristiques de l’acétamipride, molécule restant présente après administration dans l’environnement (la moitié de la substance est toujours présente 79 jours après son administration) et très soluble dans l’eau et voyageant donc avec en dehors des parcelles agricoles traitées, augmentant très fortement l’exposition humaine (l’acétamipride a été retrouvé dans l’eau de pluie au Japon).»


Le cœur du défi scientifique est qu'il y a des substituts aux néonicotinoïdes. Un rapport de l'INRAe l'atteste. Nous en reprenons ci-dessous le texte complet qui n'est pas long mais mal écrit (source). :

« L’usage des néonicotinoïdes en agriculture est actuellement en pleine controverse dans de nombreux pays. Leurs effets non-intentionnels sur de nombreux auxiliaires des cultures, notamment des pollinisateurs et des agents de lutte biologique, sont maintenant clairement documentés par un corpus grandissant de publications scientifiques. Cinq de ces matières actives : la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaméthoxame, l’acétamipride et le thiaclopride ont été interdites d’usage par le gouvernement français depuis le 1er septembre 2018.
Dans le cadre d'une expertise diligentée par l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) une équipe de scientifiques dont des chercheurs de l’Inra a procédé à une évaluation approfondie des alternatives disponibles pour remplacer ces cinq molécules par des options alternatives. Pour chaque combinaison de culture à protéger et d’organisme nuisible ciblé par l'utilisation de néonicotinoïdes, les principales méthodes alternatives de lutte ont été classées en fonction de leur efficacité, applicabilité, durabilité et facilité d’application. 152 utilisations de néonicotinoïdes en France, couvrant 120 plantes cultivées et 279 espèces d'insectes nuisibles ont été passées en revue, pour un total de 2577 alternatives envisagées.

Les résultats de cette enquête approfondie montrent qu’une solution de rechange efficace à l'utilisation des néonicotinoïdes est disponible dans 96 % des cas. Malheureusement, l'alternative la plus courante aux néonicotinoïdes (89 % des cas) est l'utilisation d'un autre insecticide chimique (surtout des pyréthrinoïdes). Toutefois, dans 78 % des cas, au moins une méthode alternative non chimique peut d’ores et déjà remplacer les néonicotinoïdes, via notamment la lutte biologique, l’usage de produits sémiochimiques ou d’huiles de surface. Il est à noter que la disponibilité en solutions alternatives non chimiques est plus importante pour la lutte contre des ravageurs aériens (chenilles défoliatrices par exemple) que contre des insectes s’attaquant aux troncs ou aux racines des plantes.
De nombreuses autres méthodes non chimiques apparaissent comme prometteuses mais nécessitent des recherches de terrain supplémentaires avant de pouvoir être proposées aux agriculteurs. Certaines, encore onéreuses du fait d’un marché limité, demanderont également à être subventionnées. Les solutions existent donc mais un effort conjoint de la recherche, des pouvoirs publics, des coopératives et des usagers est donc nécessaire pour les mettre en pratique et permettre une réduction significative de l'utilisation des pesticides en agriculture.»


Alors quoi ? Rien !
Le monde paysan est pris en otage par les latifundiaires et l'agro-industrie qui brassent des millions à centaines et se planquent derrière le vivrier. Lui, survit au marc le franc par l'intubage que lui procure le Crédit Agricole. Mais si la loi Duplomb contente la Coordination rurale, la FNSEA et l'agrobusiness par la liberté retrouvée de faire n'importe quoi qui profite au bilan, elle peine à convaincre la fraction des agriculteurs qui ont une image plus claire de l'avenir. A cet égard il est (toujours) intéressant de consulter la Confédération paysanne (ne pas confondre avec la Coordination rurale, gilets jaunes paysans) qui procède de l'idéologie de la Campesina. La Confédération est pour les substituts aux néonicotinoïdes et dans un communiqué du 8 juillet elle dénonce des « régressions agricoles, sanitaires et écologiques d'une très grande gravité, taillées sur mesure pour l'agro-industrie et portées par les dirigeants de la FNSEA déconnectés de leur base.»

Son idée est de débrancher le revenu paysan des aléas de la production agricole et donc de la politique de marché de la Commission européenne. Le problème n'est plus celui des débouchés et des prix de transfert mais celui de l'utilité du paysan dans la société de demain. On peut ne pas être d'accord avec la Confédération paysanne pour cette approche très politique du défi alimentaire, mais au moins, elle exprime un projet de société robuste et durable alors que les autres organisations pleurent pour des cautères sur leurs jambes de bois au plus vite et dans l'immédiat, demain étant un autre jour. Si vous voulez creuser la question, il vous faut lire leur manifeste en cliquant ici. Vous serez étonnés.

Au plan purement politique et quelle que soit l'issue d'un procès populaire sans prétoire, la pétition anti-Duplomb à l'Assemblée nationale marque la fracture entre La Casta qui fonctionne toujours au clientélisme électoral, l'Etat invasif qui la protège et la société qui, elle, réfléchit à ses enfants. En général, c'est la classe politique qui plie ou qui est balayée. Nous approchons de la rupture de paradigme. Mettez des billes dans l'ébénisterie funéraire.

ALSP et d'ici là faites-vous plaisir !


5 commentaires:

  1. Très bonne analyse que nous partageons jusqu'à mettre et remettre "des billes dans l'ébénisterie funéraire" ! En revanche je reste convaincu que l'origine essentielle du mal paysan est la PAC que personne ne semble désireux ou capable de remettre en cause.

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  2. La PAC n'est que la perfusion du malade. L'agriculture française est en crise depuis la guerre pour une raison très simple, entre autres raisons : c'est une activité capitalistique par excellence, qui ne peut survivre à la mutiplication des fermes et métairies pas plus qu'à l'abrogation du droit d'ainesse qui sabre dans l'accumulation des fonds propres nécessaires à l'exploitation.
    Il y faut donc beaucoup d'argent pour amortir les aléas, ce que l'invention du Crédit Agricole n'a pu assurer.
    La mécanique de production qui carbure au prix garantis et aux quotas va se gripper et la jacquerie qui monte va tout emporter contre une masse de consommateurs plus ou moins hostiles ainsi que le montre la pétition Pattery. Vous voyez l'image ?

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  3. Pour les archives, la pétition Pattery a franchi la barre des deux millions de signatures dans la nuit de dimanche à lundi 28 juillet 2025.
    Compte tenu de la période défavorable et de la désanonymisation des signataires, c'est un exploit de démocratie directe qui met en danger la classe politique.
    On va voir qui chez elle réagit, et comment on réagit.
    Très intéressant.

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  4. Breaking : à 19 heures ce soir, le Conseil constitutionnel a retoqué l'acétamipride. Richard Ferrand a pris le Président au téléphone.

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