13 juillet 2025

Bastilles

Aujourd'hui les Français prennent la Bastille. Sans trop savoir ce que nous y avons gagné, la fête nationale se décline en trois manifestations traditionnelles, le bal des pompiers, le défilé militaire et le feu d'artifice. Neuf mois plus tard naîtront les petits Maximilien. Qu'est-ce au fond que cette commémoration ? Celle d'un séisme politique qui en trois semaines va liquider huit siècles de monarchie de droit barbare et divin à la fois, fondée sur la pyramide féodale "foi et hommage" héritée des Wisigoths ! Un tel bouleversement deviendra le modèle d'autres grandes révolutions. Est-il utile d'en connaître les ressorts ? A mon avis, oui, parce que la monarchie capétienne s'est effondrée sur elle-même, de l'intérieur ; elle a implosé. Je ne demanderai pas à ChatGPT les causes profondes de ces événements parce qu'elles se résument à seulement trois :
  1. Un découplage entre le régime politico-judiciaire et la société en cours de fracturation ;
  2. Une banqueroute fiscale due à l'impéritie royale et aux abus de position ;
  3. Un chef d'Etat incapable imposé par les règles de dévolution de la couronne.

Toute société humaine est soumise aux lois de l'impermanence. Donc l'Etat qui la gouverne doit suivre, malgré les difficultés inhérentes au louvoyage. Le roi, qu'on disait abonné à l'Encyclopédie, fort instruit par ailleurs mais faible, détestait son emploi, les femmes et la Cour. Or l'histoire montre que dans les périodes tumultueuses, le chef qui rechigne à tirer le char est écrasé par lui. C'est exactement ce qu'il s'est passé avec Louis XVI. Le 14 juillet 1790, la Fête de la Fédération marquait le triomphe des idées nouvelles appliquées par la Constituante, et la fin de la Révolution. A partir de là, il fallait que le chef de l'Etat, qui avait conservé beaucoup de pouvoirs, prenne les choses en main et accélère le pas. Au lieu de quoi il s'est laissé entraîné par son entourage au petit jeu du véto et pire que tout, à l'alliance de revers avec les autres familles royales d'Europe. Il finira coupé en deux, la faute finalement aux lois fondamentales du royaume de France qui l'avaient désigné à son corps défendant !

Car c'est de cela qu'il s'agit. La loi barbare des Francs qui avait évolué en dévolution automatique de la couronne par primogéniture mâle, si elle avait simplifié les transitions au Moyen Âge, ne garantissait plus la qualité de l'impétrant après la vraie révolution universelle, celle de la Renaissance. Tant que le pays était occupé à régler ses dysfonctionnements ou à affronter des guerres civiles ou extérieures, l'agitation quotidienne, les succès, les revers, le temps qui présidait aux récoltes, pouvaient masquer les insuffisances du roi. Mais quinze ans de règne plat au milieu d'abus et d'injustices en tout genre avaient encouragé la société à se prendre elle-même en charge derrière ses élites, bien différentes maintenant de celles de la charpente féodale d'antan. C'est presque du darwinisme. Inadaptation ! La monarchie anglaise fera l'inverse en se retirant de la gouvernance du quotidien, on sait la suite.

Attendu que l'élection d'un chef d'Etat à durée limitée comme nous en usons aujourd'hui n'est pas toujours satisfaisante non plus, comment devrait-on procéder pour avoir enfin de la qualité ? Sans doute aucun s'éloigner déjà de la "communication" qui fait l'élection et privilégie des bateleurs de foire ou des camelots du bon marché quand ce ne sont pas des escamoteurs de bonneteau. Il faudrait pour ce faire retirer le choix au peuple qui, décrété souverain, va finir écrasé sous la charge de cette plaisanterie. Souverain de quoi ? Le Français moyen sous perfusion publique du berceau à la tombe, n'arrive même plus à se prendre en charge ! "Qu'est-ce que le peuple" demandait Proudhon pour se moquer.
Un collège de grands électeurs pourrait être réuni, comme un conclave au Vatican, qui choisirait le chef d'Etat de la période considérée sur des critères de compétences et probité. Resterait à définir le mandat, son champ d'application, le vivier des candidats et le protocole de réunion du (sacré) collège. Un bon sujet de thèse pour des étudiants constitutionnalistes qui voudraient éclairer une évolution tout à fait nécessaire à un peuple immature ayant produit une classe dirigeante immature. Après une période d'essai de deux cents ans, il est patent que les Français ne seront gouvernés équitablement dans le domaine régalien que par un roi ou une reine, à condition qu'ils l'aient choisi - on ne se refait pas en un jour. Mais il y a plus intéressant cette semaine à l'est.

Poutine est décidément le plus mauvais stratège que la Russie ait jamais connu. A ne pas comprendre l'engouement qu'il suscite dans certains milieux intellectuels français, avec son esprit d'apache des fortifications au goût immodéré pour l'assassinat ! Dernier mort, l'ancien gouverneur de Koursk, coupable de n'avoir pas protégé l'oblast avec les crédits votés, qui a été tué puis démissionné de son poste au ministère des transports à Moscou pour faire croire en un dépit fatal. La liste est longue, liste que nous avions commencée sur un blog antérieur mais que nous avons abandonnée car il y fallait quelqu'un à plein temps, vu la cadence des défenestrations, empoisonnements, meurtres à balle et autres accidents de la vie ordinaire.

Après avoir perdu la Mer baltique par l'intégration des neutres à l'OTAN, son arrogance sans frein, ses objurgations débiles et ses menaces nucléaires le privent désormais de la meilleure carte de son jeu : Donald Krasnov Trump. L'autre était prêt à bien des concessions pour obtenir le Nobel de la paix à Oslo et la Trump Tower sur la Place Rouge. Le nain maléfique n'a même pas fait semblant et a continué à réclamer toute l'Ukraine, quatre oblast annexés par la Fédération et tout le reste en bantoustan aux ordres du Kremlin. Même si Trump n'était pas intéressé plus que ça par la souveraineté ukrainienne, il ne pouvait pas se prendre la gifle publiquement, en privé non plus d'ailleurs, dans des revendications infondées et extravagantes faisant fi du rejet massif de la nuit soviétique par les Ukrainiens. Poutine lui pisse à la raie ? Il a bien raison, il en mourra, le pisseur ! Car Trump est aussi rancunier que Poutine et celui-ci ne l'a pas vu. L'affaire tourne en guerre des gangs entre familles de la mafia newyorkaise. A ce jeu, l'Américain gagnera parce que son économie ronronne quand celle de la petite Russie hoquète et s'essouffle. Le nain n'y connaît rien en économie. Alors la réponse de Washington devrait arriver aujourd'hui quand tout le script du show aurait été répété dans le bureau ovale, puisque bien sûr, il s'agit (1) d'une émission télé, à la gloire de l'animateur (2), dans l'optique d'un Nobel de la paix pour les nuls (3). Les Ukrainiens ont déjà tout compris, qui sont à la merci d'un vieux monsieur Loyal en piste portant beau sur la tête un chien de prairie mort, et capable de gouverner le monde avec trois cents mots. Putain ! Que diront nos gosses dans vingt ans ?

Nous ne nous quitterons pas aujourd'hui sans un satisfecit et un avertissement. Samedi matin dès l'aube, s'est levée la promesse d'une "néo-zélandisation" de la Nouvelle Calédonie sous la forme d'un Etat d'outremer progressivement doté de ses attributs de souveraineté. Nous y avons cru sur ce blog (ici). Contrairement aux Accords d'Evian qui avaient ostracisé les résidents européens, le ministre des outremers a mis tout le monde autour de la table sans exclusive pendant dix jours à Bougival. On peut espérer que les Caldoches auront compris, que les Canaques auront compris. Ils ont ensemble un très gros travail qui les attend pour sortir le caillou de l'ornière. Un peu d'enthousiasme ne nuira pas, même si nous avons presque cent ans de retard sur la couronne britannique qui a libéré ses dominions dans l'entre-deux-guerres (statut de Westminster). Reste à voir comment évoluera le statut des îles de la Société, celui des petites Antilles, de l'île de la Réunion et in fine de la Corse. Ne nous resteront plus à charge que les petites danseuses de la République.
Mais d'ici là, se lèveront les adeptes de la République une et indivisible prêts à tout, enfin presque, "armons-nous et partez", qui se figurent résister comme les pieds noirs le firent en Algérie. Le Front national qui a fait des scores dans la province sud calcule ses chances et sa posture avant d'arrêter sa position purement électoraliste. A preuve, il ne réagit pas et se cherche. La presse, friande d'audience qui règle la réclame, va s'engouffrer dans la politique politicienne durant le steeple chase législatif jusqu'à faire battre des montagnes. Alors je préviens mes amis royalistes, fachistes et anarchistes : ne tombez pas dans le piège à cons de l'OAS Second Chance et laissez Caldoches, Canaques et Pacifiens s'accommoder de la nouvelle situation entre eux, et déjà mettre en musique des équations économiques très difficiles en portant... l'imagination au pouvoir. En fait, ça ne nous regarde plus.

ALSP !

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