S'il eut été sage pour la France de se tenir éloignée du conflit patrimonial israélo-arabe en attendant qu'il explose chez nous, l'arme ignoble de la famine nous oblige maintenant à bouger.
On les attendait sans trop y croire quand même, elles ont fini par arriver, ces photos d'enfants décharnés, agonisants ou parfaitement morts, qui ressemblent à d'autres images terribles du Biafra, d'Ethiopie et de celles sorties des camps d'extermination allemands. Sauf qu'ici, c'est le peuple victime de l'effroyable génocide industriel mis en usine par le régime hitlérien qui prête à son tour son concours à l'horreur. Comme quoi, on peut être l'élu, le juste et le plus intelligent, on n'en reste pas moins un monstre au niveau du cervelet reptilien. Que vaut l'homme, que vaut Dieu ont pensé les rescapés de 1945, devenus tous athées. Quatre-vingts ans plus tard, Israël a perdu son âme qui le distinguait du commun des nations ; le monde remise les précautions d'usage envers l'Etat immunisé par l'holocauste ; et l'antisémitisme éclôt partout, fondé cette fois, non sur les légendes médiévales d'empoisonnement des puits ou sur le Protocole des sages de Sion - dont on finit par se demander si c'est vraiment un faux - mais sur la réalité des destructions rock-bottom de l'habitat et celle de massacres bien sanglants de femmes et d'enfants entre autres et par milliers, le tout perpétré en punition collective d'un pogrom terroriste attentant à l'image d'invincibilité du peuple juif.
Que l'organisation du Hamas et celle du Djihad islamique soient exterminées ne pose aucune question ; on ne juge pas ces terroristes chimiquement purs preneurs d'otages pas plus qu'on ne le fait de cafards. Mais qu'on écrase sous les bombes les civils sous lesquels se planquent les miliciens palestiniens, parce qu'on n'a pas les couilles d'aller les chercher au couteau de tranchée dans les tunnels, voire les y noyer, en pose beaucoup. On retrouve dans le sac de la Bande de Gaza le procédé qu'utilise actuellement le régime de Poutine à l'encontre du peuple ukrainien qui lui résiste. Mets-toi à genoux ou je te tue ! Surtout si tu es désarmé.
Quelles que soient les acrobaties sémantiques pour nous convaincre du contraire, l'agenda du gouvernement Nétanyahou est bien de chasser les Palestiniens de Palestine par tous moyens même visibles et brutaux, comme la dévastation la plus complète de leurs lieux de vie, au vu et au su du monde entier et la déclaration d'une famine délibérée comme arme dissuasive de se maintenir sur place. En attendent-ils approbation ou réprobation qu'on commence à comprendre que les Juifs d'Israël sont au-delà de toute loi des hommes, même de celle du Talion, et se croient pour certains investis à nouveau de promesses divines leur confiant la récupération dans le sang des autres de tout le pays de Canaan. Si ce n'est pas ça, je ne comprends pas qu'ils puissent penser encore mettre le monde entier de leur côté par le fait accompli.
Si les gouvernements arabes semblent très circonspects, la "Rue arabe" compte environ 475 millions d'individus et elle est très remontée. Les Juifs d'Israël sont environ 6,5 millions et ils n'augmenteront pas (l'alyah s'est inversée). Ils peuvent bien s'armer jusqu'aux dents, il existe une loi démographique de la masse et du momentum (la même masse en mouvement). Si des forces compensatoires peuvent améliorer le pronostic dans un déséquilibre gérable comme celui subi en Ukraine, un rapport de plus de soixante-dix fois est à terme létal. Ça tombe sous le sens, et ça sera Massada avec la vitrification des Echelles du Levant.
Venons-en maintenant à la démarche française renouant avec la politique arabe de la France gaullienne. La reconnaissance d'un Etat de Palestine par un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies n'arrêtera pas l'extermination en cours. En pratique, un Etat palestinien n'est pas viable puisque le continuum territorial a été systématiquement détruit par l'occupant, les terres arables confisquées avec les pâtures et tous les captages d'eau. Le but fut et demeure de rendre le pays invivable au sens premier, avant que les colons juifs ne s'en emparent et le mettent en valeur au moyen de subventions publiques et du soutien actif de la diaspora. Donc l'Etat de Palestine en Palestine est terriblement compromis par la méthode juive (ou russe) du fait accompli et de la menace latente de recourir aux dernières extrémités si on les contrarie. C'est une réalité, mais prête-t-elle à conséquence ?
Le but affiché par le Quai d'Orsay n'est peut-être pas le but visé réellement. En passant, il était plus que temps de s'extraire du chantage victimaire éternel des sionistes radicaux et de marquer le coup face à la tragédie humanitaire imposée par les Juifs aux Palestiniens de Gaza. M. Macron rassemble beaucoup plus d'approbation sur sa démarche que de critiques, toutes circonscrites dans la sphère israélite. Quelque chose bouge en France contre Israël, et les rodomontades de son ambassadeur à Paris ne vont pas aider à freiner la réprobation des élites. La déclaration d'Hubert Védrine qui parle de déshonneur à ne pas le faire et demande quelle est l'utilité de ne rien faire justement, s'ajoute à des prises de position qu'on jugeait jusqu'ici improbables voire indignes, même dans la communauté juive en France et autour, comme nous le montre celle d'Elie Barnavi (clic).
S'agit-il donc d'officialiser la diplomatie palestinienne auprès des cent quarante-neuf chancelleries qui ont reconnu l'Etat palestinien ? Même s'il ne reste qu'un moignon d'administration palestinienne en Cisjordanie occupée, ça suffit comme piton sur la mappemonde auquel peut s'accrocher une vraie diplomatie en exil qui puisse participer aux bénéfices procurés par les organisations internationales à leurs membres. Que l'Etat soit impuissant par des circonstances dépendant de la volonté d'un Etat-tiers, ne lui ôte pas sa légitimité. Et la revendication du gouvernement Nétanyahou pour qui la reconnaissance française récompense le Hamas dans ses atrocités est à ranger dans la boîte à musique qui joue faux depuis le début de l'affaire (cf. Le Club des Juristes). Une manière aussi de donner des outils de contestation de l'enclavage fiscal, douanier et monétaire imposé par Israël qui "gère" la Palestine occupée comme un bantoustan. D'où l'accusation méritée d'apartheid qui hérisse tant Nétanyahou, lequel fouille en permanence dans sa giberne à la recherche des justifications de l'immunité morale de son peuple. Soixante mille morts plus tard, plus personne ne l'écoute et il va lui en cuire, comme à la Diaspora d'ailleurs.
L'autre question débattue dans la presse israélite est celle de l'asile accordé aux Gazaouis. L'affaire est sensible parce qu'elle arrive en pleine crise migratoire en métropole et donne du grain à moudre à des partis qui n'ont que l'immigration comme sujet politique en rayon. C'est assez simple à décortiquer. La position géographique idéale des Palestiniens est en Palestine. Celle des réfugiés palestiniens aussi. L'interdiction proclamée par la géopolitique régionale de revenir ou de se maintenir implique les "pays frères". Les pays arabes doivent faire une place aux Arabes palestiniens qui ne peuvent pas revenir ou se maintenir chez eux. En réalité, ils le font déjà, à leurs risques et périls parfois, comme le royaume de Jordanie qui fut assailli en septembre 1970 par des factions palestiniennes réfugiées en Transjordanie. Le problème est qu'à l'exception des monarchies du Golfe, les Etats de la région sont malades et craignent une déstabilisation d'ampleur s'ils accueillent des miliciens palestiniens. Liban, Syrie, Jordanie, Egypte sont très réticents, d'où leur volonté permanente de régler le conflit en Palestine mandataire avec un Etat arabe viable.
Nous n'avons pas à nous précipiter à offrir un asile politique spécifique aux Gazaouis, mais vu ce qu'ils subissent, nous n'avons pas non plus le droit de le refuser à ceux qui parviennent jusqu'en France. Reste à régler le risque, enfant, femme, homme adulte, homme âgé etc...
Il est un domaine que nous pourrions investir en compagnie d'ailleurs d'autres pays européens pour augmenter le nombre de lits, c'est celui de la chirurgie réparatrice, la chirurgie cardiaque et thoracique où l'Europe est en pointe. Pour cela, il faut importer les victimes en sachant qu'il sera très difficile ensuite de les renvoyer chez elles parce qu'elles n'auront plus de chez soi. On peut faire confiance aux autorités d'occupation sur ce point.
Nous allons nous séparer sur la "rupture" du blocus par La France insoumise. Leur second torpilleur armé jusqu'aux dents de crème à bronzer vient d'être arraisonné par l'escadre corsaire israélienne à 60 milles nautiques des côtes de Palestine et à 30 milles du delta du Nil, en pleine mer donc. L'Etat hébreu s'affranchit de toute règle de navigation mais il est coutumier du fait puisque personne ne lui dit rien. On peut se moquer de ces tentatives d'invasion amphibie de la Bande de Gaza si on oublie que son but n'est que de provoquer le plus de tapage possible autour du sac de l'enclave. L'important est d'obtenir des images et de collectionner le narratif des autorités israéliennes qui font un concours de ridicule et mauvaise foi. Encore une fois, le but est atteint. On peut donc en revanche se moquer de l'abordage préventif de la barcasse humanitaire, sauf que pour l'opinion internationale, il n'y a de courage que d'un côté, celui du plus faible comme toujours. C'est encore un dossier géré au marteau "whack-a-mole" par Nétanyahou qui décidément gouverne de plus en plus en aveugle, bouffé par son hubris mais à la merci de Sa majesté Donald le Dingue. Quel équipage !
Ce que je ne comprends pas :
C'est l'apathie des Français de confession juive et des Juifs français (les deux coexistent) face à la tragédie humanitaire étalée sur tous les écrans. Quand ils s'expriment, c'est le plus souvent en renfort de la politique criminelle du cabinet Nétanyahou en utilisant la liste préremplie des motifs légitimant l'horreur. Ils ne voient pas que le peuple autour d'eux ne marche pas dans cette "histoire". Où sont les grandes manifestations populaires en soutien des victimes du pogrom du 7 octobre ? Qui se souvient de la foule parisienne amassée à la République pour crier son rejet du terrorisme islamiste quand la rédaction de Charlie Hebdo fut mitraillée ? Ils n'étaient que douze. Les victimes du pogrom sont douze cents et les modes opératoires sont insupportables à regarder ! Et rien ! Il ne faut pas surinterpréter le détachement des Français, mais se poser des questions n'est pas interdit non plus.
Nos compatriotes juifs ne sentent-ils pas la menace qui planera sur leur communauté aussi longtemps qu'ils soutiendront le gouvernement israélien actuel et ce projet suicidaire du Grand Israël ? Vont-ils comme le fils Klarsfeld préférer l'exil aux Etats-Unis à la condamnation des crimes ? Sont-ils si sûrs que ça se passera bien là-bas ? En fait, il n'y a que des questions qu'ils ne se posent pas, fascinés comme un lapin dans les phares par leur mépris des Palestiniens. Méfiez-vous, leur ai-je dit un jour, on a déjà pleuré ! Et Nétanyahou leur fait faire un bond de cent ans en arrière. Donc ?
ALSP !
Postscriptum du jour : la vérité sur la politique du Likoud se diffuse comme la peste en Israël même :
RépondreSupprimerB’Tselem et Physicians for Human Rights sont deux organisations phares de la société civile israélienne, à la pointe de la défense des droits humains. Elles publient conjointement, lundi 28 juillet, deux rapports qui concluent que l’armée poursuit à Gaza une politique intentionnelle de destruction de la société palestinienne (source Le Monde).
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/07/28/deux-ong-israeliennes-se-prononcent-sur-l-operation-de-l-armee-a-gaza-il-faut-appeler-un-genocide-par-son-nom_6624845_3210.html
Sans vouloir être cynique, les images guerre qui se passent dans d'autres pays m'atteignent peu: que ce soit Gaza, le Darfour, les Rohingyas, le Kivu. Il n'y a aucun mépris et je sais que lorsque l'on vivra bientôt des choses comparables chez nous, je ne n'attendrai aucune compassion de l'extérieur. Moi ce qui me mets mal à l'aise, c'est le comportement des colons religieux en Cisjordanie qui harcèlent des pauvres bougres en tuant leurs moutons, coupant leurs oliviers et en les humiliant devant leurs propres familles. Ils" font les beaux" car ils savent que la force est derrière eux et qu'ils jouissent d'une impunité totale. Ce n'est pas leur revendication sur ces terres, parfaitement logique selon l'idéal sioniste qui me gêne, c'est la façon lâche qu'ils emploient. La volonté d'humiliation génère rarement la soumission. Ils devraient le savoir plus que quiconque!
RépondreSupprimerJe partage votre indignation sur la colonisation de la Cisjordanie par des allumés protégés par le gouvernement dans le protocole Eretz Israel.
SupprimerDepuis octobre 2022, Tsahal a tué près d'un millier de Cisjordaniens qui s'ajoutent aux victimes des ratonnades.
Les Juifs des territoires occupés ne supportent pas l'idée même de résistance qui pour eux légitimise toute exaction en représailles. Même chez eux, les Palestiniens qui se défendent sont pour Tsahal des terroristes.
Il ont chosifié l'Arabe et le traitent comme du bétail (qui a parlé d'animaux), avant de crier peut-être un jour au massacre ignoble à leur endroit dans un futur 7 octobre.
Le monde d'alors ne bougera pas ; le lobby juif pourra en faire des tonnes, le totem d'immunité se sera dissous dans le sang des gazaouis.
La diaspora sera menacée d'opprobe général et ça a commencé. Nétanyahou n'a rien compris.
Recyclage du mythe dans Causeur.
RépondreSupprimerLe monde entier nous en veut. Bouh !
https://www.causeur.fr/israel-cible-de-toutes-les-haines-314035
(Jim)
Salut. Pendant les manifs, le captage des sources aquifères palestiniennes continue. On peut dire que les colons font tout leur possible pour rallumer une intifada, avant de nous faire "pleurer".
SupprimerC'est dans RFi :
https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20250731-cisjordanie-occup%C3%A9e-%C3%A0-kafr-malik-l-arriv%C3%A9e-d-eau-sabot%C3%A9e-par-les-colons-isra%C3%A9liens