14 septembre 2025

À la Saint-Roland...

Aujourd'hui, on sonne du cor au calendrier.
Roncevaux ! Roncevaux ! dans ta sombre vallée,
L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée ?


"J’aime le son du cor, le soir au fond des bois" surtout si c'est une trompe en ré. Mais Alfred de Vigny ne savait pas faire la différence, question d'oreille. La trompe de vènerie est un instrument exceptionnel de puissance et de portée, et si terriblement simple que les curieux non avertis y soufflent comme ils s'imaginent que le feraient les moines tibétains.
Ils n'en sortent rien tant qu'ils n'y pètent.

L'instrument

La trompe de chasse, apparue vers la fin du règne de Louis XIII, trouve son aboutissement sous Louis XV. Des perfectionnements suivront qui ne changeront pas le principe d'exécution. C'est un instrument sans piston ni coulisse. Il est formé d'un tube de cuivre mince de 4545 millimètres de long, évasé en pavillon à son extrémité. Ce tube est enroulé sur lui-même 3 fois et demie. Ces caractéristiques sont dites "d'Orléans" dès lors que le modèle fut commandé par le Duc d'Orléans (Chartres) vers 1820 pour son équipage de chasse à courre. Il existe des trompes de plus grand diamètre roulées sur 2 tours et demi mais toujours de la même longueur, dites "Dauphine" ; et quelquefois sur un tour et demi que l'on appelle "Dampierre" du nom de son concepteur ; on les trouve en collection plus souvent qu'en vènerie car fragiles ; et des trompes d'équipage plus serrées sur 8 tours, assez dures à jouer.

C'est le tube d'embouchure conique et son grain (étrécissement) qui personnalisent l'instrument et sa facilité plus ou moins grande d'exécution.
Le facteur de trompe le plus connu fut François Périnet. La Maison Périnet (beau site en flash) existe toujours à Paris. Mais on citera aussi les trompes de Christophe Lemonnier (Belleville-sur-Loire) et de Nicolas Poidevin (Caen).

La technique

L'instrument étant "sans fin" le souffle du sonneur ne crée pas de surpression dans le tube. C'est un noeud de pression qui joue. Toutes les fréquences ne sont pas renvoyées par le tube de cuivre puisqu'elles ne trouvent aucun dispositif d'ajustage. Ainsi la trompe est-elle légèrement fausse et cela s'explique avec des formules pythagoriciennes et des tables de fréquences dont je vous fais grâce.

La pratique

Tout est question d'oreille dans la trompe puisque c'est le seul pincement de vos lèvres qui va donner les notes. Il s'agit d'insérer l'accessoire emboîtable spécifique à la trompe dénommé "embouchure" dans le tube éponyme et d'y appliquer ses lèvres serrées et tenant fermement l'ensemble contre ses maxillaires. On gonfle les poumons, et l'on expire l'air à travers les lèvres serrées comme si l'on voulait imiter un "vent". La force du pincement va créer des bruits plus ou moins hauts en fréquence qui deviendront un jour des notes de musique.
Cent fois sur le métier ... et on passera bientôt au tayaut.

Le tayaut et le hourvari

C'est le vrai son de vènerie, celui qui imite les abois du chien courant, lequel le mémorise très bien. Il s'obtient par surprise - mais certains ne le connaîtront jamais - en redoublant l'attaque d'embouchure d'un coup de langue. C'est un coup à prendre, pas facile mais comme le vélo, il ne s'oublie plus.

Le hourvari est une volée de notes liées en une seule respiration. Il fait office d'alarme en cours de chasse si la bête a doublé ses voies et qu'elle est revenue sur le chemin qu'elle avait pris en fuyant. On sonne alors le hourvari, pour prévenir les chiens qu'ils doivent retourner sur leurs pas. Même si la mélodie est parfois difficilement perceptible à cause de la distance, l'attaque est si caractéristique qu'elle alerte immédiatement ceux qui l'entendent et les chiens de tête.

Le plaisir

Je ne regrette pas les concerts en société, les cérémonies et les retours de chasse. Mais le vrai plaisir est à pied, de sonner à deux, première et seconde, et l'extase surgit parfois quand quelqu'un que vous ne rencontrerez jamais mais qui vous attend, vous répond de très loin de la même manière et qualité.

Monsieur Oudot vous propose ici quelques fanfares pour vous faire l'oreille. On se revoit à la Toussaint, enfin, au lundi de la Saint-Hubert pour la messe des chasseurs.

ALSP !

7 commentaires:

  1. Quelle agréable et stimulante rencontre que celle de Monsieur Oudot et sa trompe après les séances d'occultisme que vous savez !

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    1. Vous voulez parler du nouveau blogmestre qui a pris le melon ?

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    2. C'est cela. Le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu...

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  2. On ne peut parler trompe aujourd'hui sans citer la Périnet Nicolas Dromer :
    https://www.institut-musical-dromer.fr/trompe-nicolas-dromer

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  3. Il faut reconnaître que c'est un superbe engin. Élégant et majestueux pour un son unique mais tellement atypique.

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  4. https://www.youtube.com/watch?v=kxDskV5PPP4 : Jean Gabin, son monocle et les cors de chasse dans "Le baron de l`écluse". La classe!

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    1. Génial. Comme nous en sommes loin désormais...

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