Tout avait bien commencé (temps de lecture : 4min 46sec). Seul chef d'Etat occidental présent, le président Chirac était allé aux funérailles d'Hafez le Sanglant, et par après M. Sarkozy invitait le couple syrien à Paris jusque dans la tribune officielle du 14-Juillet. Bachar et Asma furent un moment la coqueluche des revues en papier glacé. Un journaliste de Time Magazine alla jusqu'à Damas parler de l'avenir avec le jeune président. Sur les coups de midi, Al-Assad lui demanda s'il avait faim. Ils descendirent au garage et prenant le volant d'une voiture qu'il avait fait avancer, le Syrien partit pour une auberge de montagne où il avait ses habitudes. L'Américain n'en revenait pas.
Les rumeurs de réforme entretenues par la presse suscitèrent l'impatience de plusieurs communautés qui voulaient secouer le joug pesant de la minorité alaouite, et la chute piteuse de Ben Ali en 2011 à Tunis et celle de Moubarak au Caire mirent à feu la mèche de la contestation à Deraa, ville martyre du précédent pouvoir et ville natale du chef des rebelles d'aujourd'hui. Laissant quand même sévir ses services de sécurité, Bachar al-Assad fit savoir qu'il allait étudier les revendications. Et la période d'ouverture s'arrêta là. Le clan Assad exigea du président qu'il jugeait timoré une répression brutale, seule réponse qui avait marché dans le passé. Les chars entrèrent dans Deraa, puis la guerre civile se propagea comme une traînée de poudre par tout le pays, y attirant l'Etat islamique en Syrie et au Levant, baassistes réarmés sur des stocks américains mal protégés en Irak. Tout le monde sait la suite.
Un demi-million de morts plus tard, le tyran est chassé par une sorte d'opération spéciale menée tambour battant, et épaulée intelligemment par plusieurs acteurs résidents dont certains se détestent (moudjahidines d'al-Qaïda, Kurdes syriens, Druzes, Turkmènes, Sunnites intégristes et soufis) et importés (Turquie, Kurdes turcs et USA). A noter qu'il n'y a pas de milice chrétienne en Syrie, préfigurant les "malgré-nous" de l'Alsace de jadis. Douze jours ! La dictature assadiste, rongée par les termites de la corruption, s'est écroulée presque sans fracas. Impuissants, l'Iran et la Russie y perdent gros en termes de stratégie. Le corridor chiite de Qom à Tyr est coupé, et la base d'appui russe en Méditerranée orientale est désactivée.
Au revers stratégique pour le Kremlin s'ajoute l'humiliation de devoir quémander le passage dans l'espace aérien turc pour rallier les bases aériennes russes de la Mer noire. Sans doute fallait-il marquer plus de considération au sultan de la Porte qui y est très sensible. Ne parlons pas du prestige russe brandi chaque jour auprès des foules africaines chauffées à blanc et des juntes protégées "à la vie, à la mort". Elles peuvent ne pas avoir compris que les rambos les lâcheront au premier signe de danger. Ils ne sont là que pour la solde et l'éloignement du théâtre ukrainien. Mais il est un cercle plus sévèrement désavoué par la chute du président-occuliste, c'est celui des parlementaires français pour qui Bachar Al-Assad était le protecteur des chrétiens d'Orient et le rempart contre le terrorisme. Je ne les citerai pas. Ils peuvent offrir aujourd'hui au proscrit l'hospitalité puisqu'il n'a pas encore de mandat d'amener à ses basques. Finalement les Assad ont choisi Moscou et pas Maisons-Laffitte. Quelle idée, en décembre qui pis est !
ALSP !
N'étant pas du tout spécialiste de cet orient compliqué, je n'irai pas plus loin que l'expression d'une émotion: la chute du régime syrien, la raclée qu'a pris le hezbollah dernièrement et tant qu'on y est, celle du jihad islamique à gaza ont pour moi le doux parfum de l'expiation. En souvenir de Louis Delamare et du Drakkar!
RépondreSupprimerEn fait, il y a incompatibilité d'humeur entre les cinq ou six religions résidentes, les musulmans sunnite et chiite, les soufis, les juifs et les chrétiens (maronites, chaldéens, raéliens, syriaques...).
SupprimerC'est donc loin d'être fini, chacun prenant toute opportunité de gagner au moment un avantage aussi minime soit-il.