08 juin 2025

Aux morts 🎺

La commémoration du Débarquement de Normandie avait un goût bizarre cette année, avec le désengagement américain d'Europe, la guerre intestine en Union soviétique dont le légataire universel ayant muté en Etat terroriste de plein exercice n'était pas convié sur les plages de sable blond, et pour faire bon poids, avec les ravages perpétrés en Palestine par les enfants des survivants des camps de la mort. Beaucoup d'invités quand même au jour J mais au fond des choses, trois nations ont fait tout le boulot, les Américains, les Britanniques et les Canadiens. L'excursion à faire est celle des cimetières militaires pour s'imprégner des sacrifices consentis à l'avant, sans oublier celui de La Cambe où les croix portent le même âge qu'à Colleville. Paris Match a publié un hors-série de 116 pages richement illustrées pour les 80 ans de la Libération.

Dans huit jours, lundi 17 juin et jusqu'au 20, la France coprésidera avec l'Arabie séoudite une conférence onusienne à New York pour remettre sur la table la solution à deux États en Palestine mandataire. Le gouvernement israélien est au bord de l'apoplexie d'autant que la Grande Bretagne par qui tout a commencé, et le Canada s'apprêteraient à suivre ; ce n'est pas faute pourtant de l'avoir prévenu que les pays de l'Atlantique ne pourraient tenir longtemps leurs opinions publiques mouillées par procuration dans le bain de famine et de sang de Gaza. L'Europe ne mettra pas à l'amende ses universités comme tente de le faire Ubu-Trump car elle sait qu'au fond du fond, la résistance palestinienne est légitimée en droit ; ce sont les résolutions de l'ONU bafouées par Israël qui le suggèrent. Donc l'antisionisme comme son ombre portée, l'antisémitisme, vont progresser partout. Bibi est aussi nul à la boule de cristal que Poutine.

Sans avoir la science infuse, il n'était pas difficile d'imaginer l'impasse actuelle à partir du moment où le pouvoir juif colonisait la Cisjordanie avec une brutalité toute biblique (ndlr: ne pas mettre ce livre entre toutes les mains) pour soumettre et humilier un peuple de presque trois millions d'âmes et d'un autre côté, décaissait les subsides qataris dans les mains-mêmes des dirigeants palestiniens leur servant de matons dans la prison à ciel ouvert ; sans oublier de stipendier tout gang local opposé aux Freux du Hamas, ainsi qu'on le voit de la milice Abou Chabab aujourd'hui (source Avigdor Liberman). N'est-ce pas le Shin Bet qui a créé jadis le Hamas pour pourrir la vie de l'OLP d'Arafat ? Ça continue aujourd'hui avec les pilleurs de camions protégés par Tsahal ! Qui a parlé de l'Orient compliqué ? Faire des phrases courtes ! L'opération est interminable parce que Tsahal ne veut pas sortir les fourchettes à escargot pour extraire de leurs tanières les miliciens/terroristes (rayez la mention inutile) de Gaza, et parce que deux acteurs du match sur trois sont morts : le Hamas militaire quelque part car ce n'est au fond qu'une idée, le Fatah complètement liquide à Ramallah. Comment se battre contre des morts ? Je ramasse les copies dans quatre heures.

En attendant, revenons au jardin. Le plant de tabac à trois tiges (voir les épisodes précédents) culmine maintenant à trois mètres (3,14m hier) en portant des sommités florales jaunes de la taille d'une pâquerette qui signalent la fin de l'érection. Elles ne ressemblent pas à celles du Nicotiana tabacum ; d'ailleurs les feuilles sont embrassantes à leur attachement et plus longilignes. Il faut continuer à chercher. Sinon le seringat double (mock) a explosé, embaumant tout le coin sous le vent, quand la pluie a ruiné les pivoines blanches. Le jasmin est à fond aussi mais son odeur est bien plus discrète cette année. La grande bignone en colocation attend qu'il ait fini. En dégageant le pied de la longue haie de deux mètres-cubes de ronces à mûres, vigne vierge, lierre rampant, je me disais que la proclamation d'un Etat palestinien, dépouillé de tous ses atours sauf diplomatiques, ne répondra pas à la revendication réciproque des parties au conflit : du fleuve à la mer et pas moins ! ou dit autrement, ne fera pas sa juste place aux Palestiniens. Probablement que l'Etat hébreu - ses ministres bigots l'ont déjà annoncé - augmentera l'empreinte de ses bottes en Cisjordanie, achevant ainsi l'apartheid dont il se défend, en même temps que sa réputation spéciale de victime en revanche de l'histoire à qui tout est permis. C'était le plus mauvais cadeau à faire aux Juifs de Palestine et d'ailleurs, mais il semblerait que la fuite en avant vers "Eretz Israel" soit irrépressible dans l'optique d'un fait accompli sur lequel on ne reviendra pas. Effet trompeur car s'il peut s'appliquer aux gouvernements arabes corruptibles comme l'ont démontré les Accords d'Abraham, il ne convaincra jamais la Rue arabe. La chaîne qatarie al-Jaezeera s'en est chargée, qui diffuse en arabe et en continu 7/24 les évènements de Gaza. La haine séculaire judéo-arabe voit ses fondations bétonnées par l'intense satisfaction exprimée publiquement par le gouvernement israélien à chaque grosse bombe qui tue bien ! Les femmes et les enfants de Gaza ne seront plus jamais pacifiés. Que dire des hommes ! La ressource militaire est déjà prête pour l'intifada générale.

Si cette dispute sémitique n'est pas de notre ressort, elle va impacter les nations européennes et, comme Elisabeth Lévy dans Causeur, la diaspora peut bien dénoncer l'amalgame de la compassion zélée envers les familles gazaouies décimées par les Juifs et le slogan définitif de la nécessité de les "foutre à la mer" que ça ne changera rien à la détestation nouvelle à leur endroit qui a fait aujourd'hui le tour du monde. Les otages sont oubliés comme les risques du métier, pourrait-on dire et leur éventuelle libération n'arrêtera rien. Israël serait-il finalement ce "peuple sûr de lui et dominateur" ? Au sortir des camps etc etc... tout ça pour ça... vous avez compris sans le dire !

L'autre sujet de la semaine passée : violences domestiques à la Maison Blanche, l'amoureux éconduit a piqué sa crise mais la vaisselle avait été rangée (protocole Trierweiler). Un proverbe ottoman dit que lorsqu'un auguste entre au palais, il ne devient pas sultan pour autant mais le palais, un cirque ! Le grand con d'or a transformé le Bureau ovale en un studio télévisé diffusant ad libitum le verbe et la gesture de la puissance incarnée. Il nous sert en direct la prise de bec entre Elon Musk et lui. L'un tient les crédits d'Etat dont bénéficie le second, l'autre le vaisseau spatial qui relie l'ISS à la terre et les fusées qui font 90% des lancements de la NASA. Quand on pense à la majesté du lieu qui abrita de dramatiques contributions à l'histoire du monde et cette table magnifique sous laquelle Monica Lewinsky rampait ver le chibre aveugle du 42è président des Etats Unis d'Amérique qu'elle engloutissait dans un grand bruit de succion, on voit combien bas la fonction suprême est tombée de nos jours : un géronte sous bonbons bleus traite tous ses amis sous kétamine de "crazy" parce qu'ils ne le supportent plus. Des salauds parlent même de destitution au profit du vice-prez Vance pour connerie aggravée du 47. Arrive alors au Congrès une loi baptisée officiellement OBBBA (sic) (One Big Beautiful Bill Act) annulant quatre trillons d'impôts et forçant la protection sociale à lui donner deux trillons en retour. Elon Musk mais n'importe quel singe ayant fait deux ans d'arithmétique voit qu'il manque deux trillons et surtout la prime à l'achat d'une voiture électrique. L'affaire peut s'envenimer au point de chasser le génie des Carpates africaines vers un empire plus accueillant. Et justement : sa mère Maye est la reine de Shanghaï, on se presse, on l'admire, on lui passe tout et pour cela les Chinois savent icôner ! Il ne m'étonnerait pas qu'un projet d'asile technologique soit façonné par les Shanghaïens qui pour le coup, mettraient un rude coup au satrape de Mar a Lago. Qu'en pense Melania ?
Ça lui ferait des vacances surtout depuis que l'autre ingrat suggère que son Donald, non content d'aller aux dames, est dans le dossier Epstein, ce qui, dit en passant, met en danger Ghislaine Maxwell qui elle, sait tout, absolument tout sur le baisodrome de Little Saint James Island. Dommage ce serait, avant qu'elle ne dédouane le prince Andrew qui n'a sans doute pas trempé le biscuit, mais s'est comporté en micheton de la rue Sainte-Appoline surpris par sa femme au bar-tabac du coin. Sa fameuse interview ratée à la BBC lors du procès Giuffre (clic) nous a montré un type sûr de lui puis déstabilisé par la monstruosité des reproches mais pas un coupable (idéal) ! La photo d'elle et lui l'incriminant ne montrait aucune souffrance de sa "victime", juste un petit flirt tout sourire ! Sa mère l'a cru et pour lui c'était le principal. Par contre le nouveau chef de maison a montré qu'il ne savait pas gérer sa famille ni résister à la pression médiatique parce que son emploi n'était plus que de communication ; il a banni son frère de la Firme obligeant Edward le falot et de vénérables goutteux encore droits comme les frères de Kent ou le duc de Gloucester, à monter en ligne. Seul Andrew avait l'allure et la carrure mais le droit d'aînesse a prévalu. Et on en vient à la monarchie anglaise. Vous avez du temps ?

Les grands Windsor sont tous morts. Règne aujourd'hui un prince âgé et sa maîtresse, arrivé tard et cramponné aux rites qu'il ne peut pas totalement assumer parce qu'ils ont été établis pour un hiérarque, ce qu'il n'est pas, ni sous la toise ni en esprit. La bonne humeur, les légumes bio et les bons mots ne suffisent plus. Aucun charisme et pourtant on parle de roi. La descendance n'est pas non plus dans le film, et l'héritier semble bien plus préoccupé de sa propre famille que des enjeux d'une couronne qui lui pèse déjà.
Les fondamentaux de la monarchie anglaise sont simples mais exigent un réglage assez fin pour asseoir la fonction. Le monarque occupe en permanence la pointe de pyramide des nations britanniques qu'il incarne et il préside l'Eglise anglicane, deux fonctions qui réclament une certaine stature. Il barre l'accès au sommet à tout politicien douteux, démagogue ou demi-habile. Personne en Grande Bretagne ne peut "se la péter" comme en France, au hasard, un Sarkozy. La position ecclésiale est symétrique de la logique politique : aucune autorité morale autre que Dieu ne surplombe le monarque. Dans cette fonction de parafoudre, il est aussi le chef d'Etat symbolique de nombreux pays du Commonwealth. Au-dessous de lui, le pays est gouverné par les principes démocratiques du régime parlementaire de Westminster en toute liberté, sauf à respecter deux usages bien définis qui réclament, eux, une certaine intelligence :
  1. le premier ministre va chaque semaine parler d'on ne sait quoi avec le monarque qui peut exercer trois droits : celui de savoir, celui de remontrance et celui de conseil.
  2. le monarque lit aux Communes le discours de politique générale écrit par le premier ministre qui, par l'effet de cette intervention, est dès lors accepté par la nation incarnée devant lui dans le roi.
On peut aller plus loin en consultant ce blog dédié à la monarchie : Changing The Guard, sans oublier que ce régime qui fit florès dans le passé, se ressent d'abord comme une avalanche d'évidences dans les tripes plutôt que par des démonstrations savantes qui existent aussi. Mais c'est une autre histoire...

A la semaine prochaine !

7 commentaires:

  1. En avant-première de la réunion franco-séoudienne du 17 à l'ONU, Anglais, Canadiens, Norvégiens, Néo-zélandais et Australiens s'énervent contre la colonisation ouverte de la Cisjordanie par les colons juifs et sanctionnent deux ministres israéliens dans leurs avoirs. Nétanyahou n'en a cure après sa victoire sur Rima Hassan mais il devient myope car l'antisionisme se répand en tache d'huile dans le monde et va créer des problèmes à la diaspora même silencieuse :
    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/geopolitique/geopolitique-du-mercredi-11-juin-2025-9325116
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/11/le-royaume-uni-sanctionne-deux-ministres-d-extreme-droite-du-gouvernement-israelien_6612183_3210.html

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  2. Vous êtes, cher ami, manifestement en pleine forme ! Votre papier est excellent sur toute la ligne. Je partage en particulier (mais ce n'est pas la première fois) vos analyses sur l'inextricable mais terriblement mortifère (et cela va bientôt être pire car les frontières vont largement dépasser les LieuxSaints) conflit israélo-palestinien. Quant à la radioscopie de la monarchie britannique, alors là... chapeau. Je recommande ici et là. Merci.

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  3. Merci pour cet éclairage un peu distancié. La diaspora juive commence à critiquer la guerre personnelle de Benyamin Nétanyahou à Gaza parce qu'elle s'inquiète ouvertement du retour de flammes sur les communautés israélites européennes plus que de ses conséquences sur le peuple gazaoui. Des juifs français s'épanchent dans des journaux charitables pour dire qu'ils se sentent seuls maintenant et montrent du doigt les campagnes pro-palestiniennes. Mais qu'ont-ils dit, bien avant le 7 octobre, de la terreur imposée par les colons sur les Bédouins de Cisjordanie ? Sur les lopins d'oliviers ruinés, les orangeraies sciées, les troupeaux dispersés, les campements attaqués, l'eau détournée, la terre prise, tout ça sous le regard amusé des soldats israéliens mis là pour la protection de ces colons terroristes armés jusqu'aux dents.
    On ne les a pas entendus. On ne les a pas lus dans Causeur ou dans Tribune Juive. Alors, il est bien tard, bien trop tard pour s'inquiéter. Une page d'histoire se tourne. Elle avait commencé avec le voyage de l'Exodus.
    Attention, toute présupposition d'une réaction vive dans nos contrées sera jugée comme apologie de l'antisémitisme. C'est bloqué !

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    1. Bien d'accord avec vous et il est bien tard pour s'émouvoir quand on sent que le sol se dérobe sous vos pas et que l'on a rien voulu entendre avant. Mais, c'est comme ce qu'il se passe chez nous : quand c'est foutu, c'est foutu !

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    2. L'erreur n°1 de la diaspora juive est d'avoir poussé à l'amalgame entre antisionisme et antisémitisme.
      La n°2 est d'avoir consenti in petto à Eretz Israel en fermant les yeux sur la violence de la colonisation "biblique".
      A pousser la haine à fond, elle explose et dans les deux sens.

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  4. Comme nous l'évoquions hier (prémonition ?) nous avons, cette nuit, dépassé les limites territoriales des Lieux Saints. Jusqu'où ?

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    1. Les planètes s'alignaient en silence : le Département d'Etat a mis sous protection ses missions diplomatiques au Moyen-Orient ; l'AIEA a déclaré officiellement hier que l'Iran avait triché sur ses engagements nucléaires ; Trump avait prévenu Téhéran de quelque chose de fâcheux en préparation, mais juste la veille du jour J. Il ne restait plus qu'à allumer les écrans.
      Ayant quasiment détruit les deux proxies iraniens qui le menaçaient, Israël a pu faire le calcul d'un confinement de la guerre dans les deux couloirs d'accès et retour à l'Iran. Les seules forces armées capables de lui tenir tête sont aux ordres du Sultan d'Ankara et tout laisse penser qu'il n'engagera pas sa position politique, maintenant discutée, dans une aventure défini par le bâton merdeux, "plus facile à prendre qu'à lâcher". La Syrie lui suffit.
      Les autres acteurs ne font pas le poids ou sont étrangers à l'affaire. Outre le renseignement ciblé, Tsahal a dû bénéficier des ravitailleurs de l'USAF et sans doute des bombes anti-bunker que seuls les Etats-Unis possèdent.

      Menacé d'éradication depuis des lustres par les mollahs, l'Etat hébreu est légitime à détruire la menace avant qu'elle ne soit prête à fondre sur lui. Mais nous allons payer une partie de la facture d'une façon l'autre. Normal, nous l'avons créé.

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