L'Olonnais
On cherchait dans le parti de l'âne une réponse cinglante à la frénésie des décrets détruisant l'Etat profond fédéral américain et ses agences d'assistance. Il fallait oser le registre MEGA pour affronter le MAGA ; quelque chose que le Bigfoot orange de la Maison Blanche soit incapable de faire et dont il ne puisse se moquer comme à son habitude pour tout ce qui n'est pas de lui. C'est le sénateur démocrate du New Jersey, Cory Booker, qui s'y est collé. Il a parlé vingt-cinq heures au pupitre. L'incontournable préparation physiologique de l'exercice l'a contraint à jeûner et à cesser de boire car la règle du jeu de la flibusterie veut que l'orateur ne s'assoie pas ni qu'il interrompe son discours pour faire une pause pipi (test). Le Yeti du Queens ne peut égaler l'exploit ; tant physique qu'intellectuel ; c'était le but. Mais qu'a-t-il dit finalement ? Il attaque Trump frontalement :
« Tonight, I rise with the intention of getting in some good trouble. I rise with the intention of disrupting the normal business of the United States Senate for as long as I am physically able.
I rise tonight because I believe, sincerely, that our country is in crisis.
And I believe that not in a partisan sense, because so many of the people that have been reaching out to my office – in pain, in fear, having their lives upended – so many of them identify themselves as Republicans...».
Captain Booker a bien mérité de la flibuste !Dreyfus
Vous pourriez passer deux jours (en prenant vos huit heures de sommeil) à lire les 1164 pages de ce discours étonnant, intelligent, profond, très juste de ton, mais je ne les ai pas trouvées en version intégrale. Circulent des extraits dans la presse anglo-saxonne et le Guardian en a fait une recension copieuse pour ses abonnés. Si le cœur vous en dit ! Entretemps, le Chimp a appliqué des droits de douane supplémentaires et parfois élevés à tout le monde et même à des îles à pingouins qui n'ont jamais produit un kilo de guano. A moins que ce ne soit une farce du préposé au tableur Excel qui se serait vengé de son licenciement. Ainsi trouve-t-on le volcan Jan Mayen et les îles Heard et McDonald dans la liste des "dirty 15". Le monde entier s'esclaffe mais lui ne rit pas du tout, affairé 7/24 à donner son avis à temps et contretemps au monde tout ouïe, jusqu'à demander la libération de Marine Le Pen. Mais vous ne vous êtes pas non plus levés ce matin pour comparer les affluences aux manifestations partisanes de ce dimanche où fut jugée en place publique la nouvelle affaire Dreyfus. L'élément nouveau est que la dédiabolisation du FN s'achève en eau de boudin. Piquée à mort - "tu voles, tu payes" (Attal) - la Madone de Montretout en appelle à la rue pour contrer l'état de droit qui lui est défavorable mais qu'elle décrète hostile politiquement. Choqués, le garde des sceaux et le chef de la police montent au créneau de la défense de la République, l'un en promettant d'accélérer l'appel qui pourrait dégager la piste vers la suprême consécration des idées courtes, l'autre en agitant la crécelle des juges rouges et du "mur des cons" sur lequel il va apparaître.
Tout ça pour nous faire oublier que la fille du Pirate a enkroumé d'au moins quatre bâtons le parlement européen. Mme le juge de Perthuis ayant été formée comme auditeur chez Ernst & Young, il a été difficile de contrer ses calculs minutieux étalés sur 150 pages d'attendus, même en mélangeant la froideur des chiffres à la chaleur des émotions d'une belle plaidoirie. Qu'importe à la fin, la candidate familiale et naturelle du parti national est barrée de la course présidentielle, sauf si son inéligibilité est abandonnée en appel rapide (dans un an) en tordant en tout sens les dispositions de la loi Sapin II qui lient prévarication et investiture. Le Rassemblement national est-il fragile au point de ne pas survivre à l'effacement de son égérie historique ?
Oui. Ils n'ont pas les carrures. De la gueule, surtout ! Même s'ils se croient tous au niveau de l'emploi, les cadres de gouvernement y sont rares, depuis le départ de Bruno Mégret (X-Pont) qui avait attiré beaucoup de talents bancables au Paquebot de Nanterre. Vide, on le vendit. Les cent premiers jours de l'Administration Trump vont nous démontrer qu'il ne suffit pas d'idées simples et de slogans percutants pour gouverner correctement un pays. Depuis son investiture, Trump a détruit onze trillions de dollars de capitalisation boursière. Or dans le team RN aujourd'hui, il n'y a que des amateurs, des répétiteurs d'éléments de langage contrôlés sinon des universitaires en fin de droits, à jeun de toute application de leurs thèses. Le parti n'a pas de corpus doctrinal solide qui puisse former la colonne vertébrale d'un exécutif à poste. Son jeune président cultive un look Chirac des années Pompidou, mais avec juste un bac-plus, il lui sera impossible d'embrasser tous les rouages de l'Etat complexe que dirige Matignon. Jacques Chirac avait fait Saumur et l'ENA, lui ! Le programme RN dont les béances sont nombreuses, fait le grand écart entre un patriotisme raisonné bienvenu et un populisme social qui le détruit. Le registre des porte-parole est mince parce que la régulation ou le refus de l'immigration n'est pas une baguette magique qui résoudra tout. Et in fine, les déboires probables de Trump aux prochaines mid-terms vont porter un coup fatal aux promesses faciles. Les élections à mi-mandat se tiendront au mois de novembre 2026 aux Etats-Unis, en pleine campagne électorale française. Jusqu'ici, l'opposition au Rassemblement national avait peu de biscuits pour lui répondre, à part sa stigmatisation éculée, fachisme et islamophobie ; dès maintenant, l'opposition "républicaine" peut structurer une critique fondée sur le désordre américain et sur ses répliques jusqu'à l'autre bout du monde. C'est même curieusement devenu trop facile, tellement, qu'une certaine prudence a saisi les chefs LR, PS et Renaissance qui modèrent à demi-mots leurs commentaires sur la chose jugée et n'attaquent pas le parti au fond en s'appuyant sur la dérive autoritaire de l'Agent Orange devenu Ubu-roi en sa cour. Peut-être participent-ils de la sidération qui a saisi la planète aux décisions douanières échevelées de Washington et attendent-ils que l'écume retombe pour y voir quelque chose de consistant qui nourrira leurs reproches. La nouvelle affaire Dreyfus est loin d'être terminée.
Mais tout ceci n'est rien, comparé au changement de paradigme provoqué par l'arrivée au pouvoir sans les filtres de la raison de l'idéologie libertarienne aux Etats-Unis. Nous allons reparler de la fin d'un cycle européen, celui que je nommerai "le Cycle de la ouate". Fini le Club Med, le hamac des loisirs, les avantages sociaux à compte d'autrui au débit des générations futures. L'Europe doit se reconstruire d'abord mentalement, son modèle tant envié a échoué à contenir les brutes. Il était donc en défaut. A suivre...
ALSP !
Rude sujet de réflexion pour une semaine de pèlerinage sur le chemin de Compostelle en Aubrac !
RépondreSupprimerTant qu'on peut prendre le grand bâton et la coquille sur le Chemin, il y a de la vie.
RépondreSupprimerEt pourtant je me suis pris à penser : "Voir Conques et mourir" ! Tellement tout y est beau...
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