16 mars 2025

L'œil du chat

Pour dénombrer les oiseaux au jardin, j'ai accroché deux boules de graisse grainetière dans deux arbrisseaux, un seringat derrière, un laurier devant. Ainsi ai-je pu rajouter le couple de geais bleus à ma liste. Pour leur part, les pies ont repris possession de leur espace vital et l'une à tour de rôle guette souvent au faîte du grand frêne. Les mésanges opportunistes viennent plus souvent, le rouge-gorge attend que je tonde mais les haies qui reprennent n'attendront pas longtemps le coiffeur. Le froid persistant sous la goutte froide de M. Météo empêche les lézards de se réveiller. Il faut penser à vider les seaux d'eau de l'hiver dans lesquels ils ont coutume de se noyer. C'est très con un lézard. Comme pour François Premier la salamandre, on devrait blasonner Ubu-Trump d'un lézard. Mais nous n'irons pas sur ce terrain, la terre entière s'y bouscule déjà.

Le vieux chat jaune, autrefois thaï, marche avec peine désormais et quand j'agite les bras pour le dérouter, il ne part plus, mais stoppe sur place et me regarde fixement comme s'il voulait engager la conversation. Je ne sais s'il passera l'hiver - j'en doute fort - mais il a beaucoup de choses à dire d'ici là, ça se voit ! Les génies de la Silicon Valley devraient inventer une intelligence artificielle de communication entre les hommes et les bêtes. Nous en apprendrions tellement ! Ne dit-on pas de certains caniches qu'il ne leur manque que la parole ? Un jour que je marchais sur le causse en compagnie d'un fils d'agriculteur attaché aux caves de roquefort, je devisais à haute voix sur l'improbabilité que les animaux que nous rencontrions en chemin puissent anticiper leur propre mort comme le fait l'homme. A quoi il me répondit sans élever la voix : « qu'en sait-on vraiment ? Pourquoi ne seraient-ils pas dotés de cette préscience à défaut d'intellectualiser la mort ?» C'est le titre du film "Les oiseaux se cachent pour mourir" avec Richard Chamberlain en évêque (1983) qui m'a longtemps intrigué. Le vice comme le risque rend-il discret ? Nous cachons-nous pour méditer ?

Pauvres diables que nous sommes, qui s'inventent des lendemains dans un au-delà fantasmé après l'extinction des feux de la vie ! La race humaine a passé des milliards d'heures à s'inventer une éternité à la veillée du soir, éclairée par une lampe tremblante au suif qui projetait ses ombres sur les parois de la caverne, jusqu'à créer l'âme et mythifier une religion et un ciel plein de dieux. Heureux les croyants qui ainsi meublés ne sont pas des bêtes et voyagent plus loin dans l'abolition du temps. Abstraction !

Sur les animaux, on se pose la question depuis Aristote et son histoire du couple de dauphins soutenant un petit sans vie pour qu'il ne coule pas et ne disparaisse dans la gueule d'un monstre marin. On a étudié la population pénale des primates incarcérés dans des zoos ; mais leurs conditions de vie et la proximité humaine faussent observations et conclusions. Par contre, à l'état sauvage, on sait que les hardes d'éléphants pratiquent une forme de deuil au décès d'un des leurs. Qu'en est-il de nos cousins les singes ? A part le capitaine de la Black Pearl et son capucin Jack, qui a discuté longtemps avec un singe ? Au cinéma peut-être mais fondamentalement, les animaux vivent pour vivre, accomplissent des tâches fixées par leur instinct et n'ont pas conscience de la mort, sauf à être capables d'abstraction. Ce qui est démenti par le Muséum. Leur premier instinct est celui de leur propre survie, voire de celle du groupe, qui engagera les plus forts à affronter le danger imminent au bénéfice de tous les autres.
Finalement, la question se pose aussi pour Donald Trump, le gros chat jaune d'Amérique et son œil qui tue ! A-t-il une âme ?

ALSP !

2 commentaires:

  1. Je ne peux m'empêcher de sourire (bravo pour le style comme pour la profondeur des réflexions) car nous faisons les mêmes observations, nos jardins se ressemblent étonnamment et sont peuplés des mêmes êtres vivants. Il est donc tout à fait normal qu'ils nous incitent aux mêmes pensées. Merci en ces temps si difficiles. JYP

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    1. Depuis 35 ans que j'ai cette propriété et malgré les abattages, la population résidente n'a pas changé, même si les individus du début ont passé le relais aux générations suivantes.
      Même la "sauvagine" nocturne capable de tuer un chat trop audacieux est là par intermittence, qui foule l'herbe toujours au même endroit pour se reposer sous les étoiles au jardin d'en haut.

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