26 janvier 2025

Nous irons tous au paradis ou presque !

Paradoxalement, c'est la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne qui handicape aujourd'hui le dispositif de défense du vieux continent qui éprouve la chaleur du conflit impérialiste russe à ses portes. La Grande Bretagne tenait à égale distance la France et l'Allemagne dans leur revendication de leadership, l'une brandissant ses opérations extérieures en continu et sa force de dissuasion nucléaire ; l'autre sa base industrielle et technologique de défense (BITD) produisant sans relâche les armes de rupture exigées par le combat de mêlée. Fidèle à la devise "Britannia rules the waves", Londres pensait mettre tout le monde d'accord le moment venu parce que la grande affaire se jouerait sur mer, mer qu'elle tenait par les accords spéciaux avec Washington. A refaire une guerre, ce ne serait pas celle de 1870.

Depuis le Brexit, un troisième acteur est apparu sur le vieux continent qui n'a pas le temps d'attendre que s'achève la succession des conférences sur le sujet, parce qu'il est au contact du nouvel empire timuride, la Pologne. Elle s'arme à marche forcée en privilégiant le matériel en stock. C'est ainsi qu'elle importe beaucoup de Corée du Sud. L'autre acteur nouveau qui a huit cent mille hommes en guerre, c'est bien sûr l'Ukraine. Mais il faut commencer par discuter de la nécessité d'une défense européenne parce que cela ne va pas de soi pour nous.

Petit rappel historique au cas où le secrétaire perpétuel de l'Académie française me téléphonerait : la France n'était pas à Lépante. Cette bataille navale d'anthologie décida de la conquête de la Méditerranée par l'empire ottoman, la chrétienté contre l'islam. Or le roi de France (Charles IX) commerçait avec la Sublime Porte et était en délicatesse avec la Sainte Ligue commandée par l'Espagne. Mais les chrétiens auraient-ils eu le dessous à Lépante - l'escadre turque n'avait jamais perdu de bataille navale jusque là - quelles auraient été les conséquences pour la France de cette époque ? En premier lieu, le déshonneur. En second lieu, elle aurait concédé la libre pratique des exactions turques et barbaresques sur sa côte méditerranéenne malgré le maintien des relations marchandes désormais en position de faiblesse. Et en pleine guerre de religion, elle n'aurait pu s'opposer à la prise de comptoirs turcs sur notre côte, sous la double intention de dépôts d'import-export et de propagation de l'islam. En conclusion, il aurait mieux valu y aller, et en plus nous aurions gagné.

L'empire ottoman d'aujourd'hui c'est le projet hégémonique eurasiste de la Russie poutinienne qui veut un glacis stérilisé à son occident. Nous aurions pu rester au moment sur notre quant-à-soi et n'aurions souffert de rien au quotidien, mais nous aurions perdu toute considération de nos voisins plus exposés amenant au déni de solidarité à notre endroit. Déjà que nous les avons fourvoyés au Sahel sur des powerpoints optimistes à dessein, ils se seraient souvenus de la débâcle de 1940 frappant de stupeur le monde entier. Pas sûr que l'honneur y aurait longtemps résisté sans même parler de l'évanouissement de notre influence. Donc nous devons y aller, au moins pour la France, si ce n'est trop sûr pour les Français.

C'est le moment de faire l'inventaire des pôles décisionnels majeurs dans la construction d'une défense européenne :
  • Londres
  • Paris
  • Berlin
  • Varsovie
  • SACEUR Mons
  • Commission européenne (Kubilius)
On peut déjà constater qu'aucun de ces pôles n'acceptera d'être commandé par aucun des cinq autres. On ne refera donc pas la Grande Armée, de Cadix à Lübeck. Reste donc la guerre d'alliance sous commandement unifié et à trouver le Foch ou le Eisenhower d'aujourd'hui. L'alliance existe certes déjà, mais elle est plombée pour quatre ans par le nouveau Commander-in-chief américain qui ne nous veut aucun bien ! Lui survivra-t-elle, même si ce n'est pas qu'une question d'argent ? les paris sont ouverts. Donc on a bientôt un état-major complet commandant une vingtaine d'armées de Trondheim à Salonique, enfoui sous les Vosges, la Forêt Noire ou le Jura souabe. On dispose déjà d'une interopérabilité des procédures grâce à l'OTAN et il "suffit" de mobiliser les hommes et les armes !

Dans un article du journal Le Monde (clic), les protagonistes d'une défense commune européenne s'en prennent aux industriels de l'armement qui rechignent à passer en "économie de guerre". S'ils avaient fait autre chose que des études en sciences molles, les mêmes sauraient qu'une industrie travaille sur commandes et pas sur intentions. Nul doute que s'ils enregistrent les commandes de l'Etat, les industriels allemands, italiens, français, anglais, suédois, belges et tchèques (il n'y en a pas d'autres) mettront les bouchées doubles et passeront aux 3x8 en 7/7 aussitôt qu'ils auront recruté.
Aparté : on a vu il y a deux ans les critiques officielles à l'encontre des Forges d'obus de Tarbes qui traînaient soi-disant les pieds, à quoi le directeur général répondit : "et merde, passez les commandes avant de nous critiquer !"

Pour financer la montée en gamme de l'Europe-puissance, il va falloir arbitrer partout entre les dépenses sociales qui sont la marque emblématique des Etats européens et les nouvelles dépenses militaires. Certains pays du nord sont arrivés à contenir la dérive sociale en revenant aux fondamentaux : de quoi notre société a-t-elle réellement besoin ? Par contre les nations latines soudées par le clientélisme n'y sont pas favorables, et leurs gouvernements préfèrent attendre d'être poussés dans le coin de la pièce par une cause extérieure qui les dédouanerait de toute mauvaise intention vis à vis de leur opinion publique.
La banqueroute pour remède ? C'est assez fou.

Addendum de saison : on commémore aujourd'hui 27 janvier les quatre-vingt ans de la libération du camp d'Auschwitz. Pause !
La tache sur le peuple allemand est indélébile, non tant d'avoir exterminé autant de gens - l'histoire de l'espèce humaine est jalonnée de grands massacres ethniques - que d'avoir inventé l'industrialisation de l'effacement de tout un peuple afin d'y atteindre à moindre effort. C'est ça le vice de forme ! Et ils vont le supporter longtemps quoiqu'en dise Elon Musk.

ALSP !

2 commentaires:

  1. Petite précision: A Lépante, il y avait trois navires niçois armés par la Maison de Savoie et commandés par des Nicois: André Provana de Leyni, son second Marc Antoine Galléan et un officier membre de la famille Gubernatis la représentant. Notre honneur est sauf. Issa Nissa

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  2. L'honneur du duc de Savoie est sauf ;)

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