30 novembre 2025

Esprit de Salomon es-tu là ?

« Je suis un narcisse des champs, un lys des vallées. Comme un lys au milieu des épines, telle est mon amie parmi les jeunes filles. Comme un pommier au milieu des arbres de la forêt, tel est mon bien-aimé parmi les jeunes hommes. J'ai désiré m'asseoir à son ombre, et son fruit est doux à mon palais. Il m'a fait entrer dans la maison du vin ; et la bannière qu'il déploie sur moi, c'est l'amour. Soutenez-moi avec des gâteaux de raisins, fortifiez-moi avec des pommes ; car je suis malade d'amour. Que sa main gauche soit sous ma tête, et que sa droite m'embrasse ! Je vous en conjure, filles de Jérusalem, par les gazelles et les biches des champs, ne réveillez pas, ne réveillez pas l'amour, avant qu'elle ne le veuille...» (amorce du deuxième cantique de Salomon)

En notre ère de pourriture, béni soit le poète, le seul à nous faire souvenir que l'espèce humaine n'est pas que crimes et défauts. Pensait-il à la Reine de Saba, ce fils de David, quand il gravait son parchemin, lettre à lettre, à l'encre de charbon de bois, le cœur noué d'amour en écoutant le rire du harem jouant autour de la fontaine murmurante ? Ce qui ressort du Cantique est le temps suspendu, comme une éternité dès qu'on se défait de la vanité addictive. Où que nos regards se portent aujourd'hui, le sang jaillit, d'où que le vent vienne, il apporte l'odeur du choléra dysentérique, la puanteur référente. Ne faites pas votre inventaire, vous pourriez en tomber malades.

Pourquoi le Cantique des cantiques dans son érotisme explicite fut-il agrégé au Tanakh, après bien des débats dans les cercles hébraïques ? Parce qu'il consacre la divinisation de l'amour âme et chair. Parce qu'il est l'ombre chinoise de l'amour que Dieu porte à sa création, du moins c'est ce qu'ont trouvé les savants. Mais il condamne en retour l'absence d'amour et in fine la chasteté, mettant en porte-à-faux le principe de célibat des prêtres catholiques. C'est donc une affaire grave, si grave d'ailleurs que tous les conciles depuis le premier à Elvire (Grenade) en 305, l'avaient à l'ordre du jour. C'était déjà un peu tard, si on y réfléchit bien, par rapport à la catéchèse du Christ en personne qui n'a jamais tranché la question, pas plus que saint Paul qui s'en approche dans une épître au Corinthiens en canalisant le désir dans le mariage, mais qui ne bloque pas la question comme le feront plus tard les conciles médiévaux submergés par le concubinage général du bas-clergé. Concubinage accepté souvent par les prélats du fait que la fornication matrimoniale produisait moins de désordres sociaux que l'amour libre. Que dire de la paix des villages quand l'autorité locale incontestée était un célibataire, un homme dans toute sa force en ses désirs refoulés ?

Ego flos campi et lilium convallium. Sicut lilium inter spinas, sic amica mea intr filias. Sicut malus inter ligna silvarum, sic dilectus meus inter filios. Sub umbra illius, quem desideraveram, sedi, et fructus eius dulcis gutturi meo. Introduxit me in cellam vinariam, et vexillum eius super me est caritas. Fulcite me uvarum placentis, stipate me malis, quia amore langueo. Laeva eius sub capite meo, et dextera illius amplexatur me. Adiuro vos, filiae Ierusalem, per capreas cervasque camporum, ne suscitetis neque evigilare faciatis dilectam, quoadusque ipsa velit...(la traduction est au-dessus)

Les affaires de mœurs n'ont jamais disparu de l'Eglise catholique, mais aujourd'hui où l'effectif du clergé est à l'étiage, elles sont plus visibles et carrément condamnées dans l'opinion. Vivre au XXIè siècle "dans le siècle" convoque au-dessus de chaque clerc une forme de surhumanité pour résister aux tentations toujours plus pressantes, tant et si bien qu'on ne doute plus que des curés soient en ménage comme leurs ancêtres du Moyen Âge. Combien y en a-t-il est difficile à savoir, les partisans du célibat, tous des hommes, minorent les estimations, les femmes les majorent. Il existe même une association des femmes de curés qui s'appelle Plein Jour et qui est domiciliée dans le département le plus "avancé" dans la pratique du droit naturel, les Pyrénées atlantiques.

Qu'est-ce à dire pour l'avenir ? La survie du christianisme viendra de la jeunesse. Pélés et jamborees nous montrent qu'ils sont moins friands de droit canon par la lecture des décrétales que d'engagement sociétal dans le cadre plus général de la réparation des injustices, tant celles de conditions d'existence que celle des capacités personnelles à les affronter. La charité est une tradition ancestrale, comme dans toutes les religions, mais l'institution catholique met en culture la misère, en prend soin, favorisant le soulagement de la peine à son traitement préventif. Dans cet élan caritatif et humanitaire, l'ordination de prêtres en nombre suffisant pour encadrer une ressource en augmentation de croyants plus exigeants que leurs aînés ne pourra faire l'impasse de leur mariage et de leur genre. L'hostilité à cet aggiornamento tant attendu se fonde sur des pratiques d'ascèse qui ne peuvent se maintenir dans la vie de tous les jours hors des clôtures monacales ; quant aux refus des femmes par les Monsignori, il pêche comme le célibat d'une absence criante de décision de la part du Christ en personne. A ce que nous disent les Evangiles, il vécut entouré de femmes et de disciples, mais de femmes surtout. Et si l'on en croit le suaire, il était assez beau gosse aussi. Qu'à son époque, les femmes aient eu un statut social décalé par rapport aux hommes - c'était des Hébreux quand même - ne peut les discriminer de la prêtrise puisqu'à aucun moment il ne les proclama inaptes. S'il choisit douze apôtres hommes c'est aussi parce de force il pouvait avoir besoin et peut-être aussi - c'est une thèse personnelle - parce que les hommes étaient plus influençables que les femmes, donc plus disciplinés, moins discutailleurs. Marions donc les prêtres et ordonnons les femmes. L'effectif remontera dans la quiétude des instincts apaisés.

Difficile pour finir de passer à côté d'un principe manichéen qui est, à mon avis, l'encouragement le plus fort à tolérer la "bête" humaine dans un schéma évolutif : pour les Parfaits, aucun homme n'est au même stade d'évolution vers l'expiation finale à travers ses vies successives. En fin de process, ceux qui ont abouti à l'expiation considèrent le désir comme un péché abominable contre l'Esprit, source de la connaissance émanée ; alors que ceux qui n'en sont qu'au début éprouvent cette tentation naturelle comme d'autres la faim ou la soif. Dépendant de la Matière gouvernée par l'instinct (bestial), ils doivent être accompagnés par le pardon vers leur amélioration. Il faut avoir pitié de ceux qui « brûlent » comme on disait alors, et compter sur l'émoussement de la libido qui transmue la passion en amitié et l'amour physique en chasteté de fait. Le Bien et le Mal ne s'affrontent pas, le premier peut dissoudre le second. Fin de l'aparté cathare.

Mais de poètes, nous avons aussi les nôtres. De qui est ce joli sonnet ?

« Je veux mourir pour tes beautés, Maîtresse,
Pour ce bel œil, qui me prit à son hain,
Pour ce doux ris, pour ce baiser tout plein
D’ambre et de musc, baiser d’une Déesse.

Je veux mourir pour cette blonde tresse,
Pour l’embonpoint de ce trop chaste sein,
Pour la rigueur de cette douce main,
Qui tout d’un coup me guérit et me blesse.

Je veux mourir pour le brun de ce teint,
Pour cette voix, dont le beau chant m’étreint
Si fort le cœur que seul il en dispose.

Je veux mourir ès amoureux combats,
Soûlant l’amour, qu’au sang je porte enclose,
Toute une nuit au milieu de tes bras. »


ALSP !

23 novembre 2025

Les Occidentés

Nos valeurs se délitent sous nos yeux. Où que nous portions notre regard, nos "valeurs" reculent à commencer par la démocratie diversifiante. Une utopie. Les peuples n'ont jamais été moins consultés sur leur avenir et quand ils l'ont été, jamais moins suivis. L'Ordre naturel reprend ses habitudes à défaut de ses droits, les autocrates tranchent et coupent et leur nation s'en contente. Ne reste que l'Europe occidentale à privilégier le désordre démocratique par le principe de la liberté individuelle de ses choix, quitte à aboutir au chaos français. Au principe monarchiste éprouvé de l'autorité en haut et des libertés en bas, on a préféré chez nous l'inverse, donnant les guides au peuple dans ses représentants et laissant l'Exécutif libre d'aller et venir entre Charybde et Scylla : le désordre à tous les étages.

La COP 30 s'achève par un fiasco retentissant puisque le pays organisateur ne trouve pas son compte dans les restrictions d'émissions ; le Chili va reprendre un dictateur comme la plupart de ses voisins car il n'y a que ça qui apporte l'ordre ; les Etats-Unis déclarent la guerre aux narcotrafiquants en marchant sur toutes les souverainetés régionales ; des discussions étrangères au conflit règlent la question palestinienne sans les Palestiniens, comme d'autres discussions étrangères règlent la question ukrainienne sans les Ukrainiens. Et bientôt le sort de Taïwan sera scellé sans les Taïwanais au bénéfice des bénéfices.

- Et moi qu'aurai-je, ô Grand Condor ?
- Toi, mon petit Witkoff, tu auras la concession du tramway Tel-Aviv El-Arish. Ça te rappellera ton premier train électrique.
- Oh oui tout à fait, Grand Condor.

Et ils se partagèrent le pays philistin entre la Golden Trump Tower, le golf Trump Max sur le Wadi Gaza, le super-grand casino Maralaga, le front de mer de quarante kilomètres de long bâtis d'anglo-normandes VIP "Trump-Kushner" climatisées par le réseau d'eau glacée Trump Energies.
Ce dit, parce que l'Arabie séoudite et les Emirats auront mis au pot, très gros pot !

Entretemps, des esprits curieux s'étouffent à lire le plan de la capitulation ukrainienne concocté par le trio irrésistible Witkoff-Dmitriev-Kushner (clic) sous la probable férule de Jédi Vance, le pire ennemi de l'Ukraine au sein de l'Administration Trump selon Phillips Obrien (clac). Lequel plan, dont le brouillon est certainement russe d'après l'analyse sémantique, organise la paix à l'exclusif avantage de Vladimir Poutine et de son gang. En vingt-huit points, le paquet est toujours celui de départ : le Donbass complet, la Crimée, les oblasts du sud-est jusqu'au Dniepr, le désarmement de l'Ukraine couplé à une interdiction d'intégrer l'OTAN, la levée des sanctions et la mise hors-jeu de Volodymyr Zelensky par des élections arrangées pour ce faire. Le malheureux chef de guerre ne plaît ni à l'un, ni à l'autre. Imaginez Desproges à l'Elysée ! Des points mineurs ont été ajoutés pour d'aventure profiter d'une improbable acceptation, comme la réassurance de sécurité, le retour du patriarcat orthodoxe de Moscou, la langue russe, et cent milliards de fonds russes ciblés sur la reconstruction… etc. Mais on apprend déjà de sources généralement bien informées que le Kremlin refuserait le plan Witkoff-Dmitriev car il ignore des revendications importantes déjà brandies et qu'on ne retrouve pas dans le papelard officiel. Ce serait le comble ! L'entregent diplomatique du Grand Condor en prendrait un sacré coup, mais à confier l'affaire à des amateurs comme Steve Witkoff, on récolte une chimère invendable.

Le Sénat américain, juge en dernier ressort de la politique étrangère, s'est ému du bordel diplomatique généré par cette affaire (clic) qui finalement est très obscure quant à ses origines. Le Secrétaire Rubio a d'abord dit aux sénateurs que c'était un projet russe qui avait été divulgué à la presse (Axios) par les Russes dans son dos (Witkoff a même désigné au premier jour Dmitriev comme responsable de la fuite) pour forcer la main de l'Administration ; pour se rattraper par la suite, en endossant une co-paternité de l'œuvre avec le Kremlin dans une négociation sous-jacente qu'il venait de découvrir ! Pour arrêter la dérive, Jédi Vance a assumé le plan. Trump pour sa part n'a sans doute pas lu plus loin que les titres, il ne lit jamais rien et ne regarde du matin au soir que l'image de lui-même que lui renvoie le poste de télé placé dans le Bureau ovale non loin du bouton à CocaCola. Cette administration de pieds nickelés, gouvernée par un vieil enfant de dix ans, est l'incarnation dans la vraie vie de la cour du roi Pétaud d'où fut tiré le mot "pétaudière".

Quoi qu'il en soit, la signature du Nain maléfique, qualifié de serial liar and mass killer par Roger Wicker (GOP-Missippi), président de la Commission sénatoriale des Forces armées, ne dure pas plus longtemps que le carrosse de Cendrillon. Les chancelleries européennes (sauf Budapest et Bratislava qui signent tout de suite) conseilleront à leur gouvernement de nouer des garanties irréfragables de chaque bord et de prendre les Trumpiens à leur jeu en négociant le Plan point par point avec tout le temps nécessaire à la consultation de toutes les parties chaque fois. Vingt-huit fois ! Ce qui ne sera pas du goût de Trump l'impatient et pourrait bien dévoiler le vrai motif de la démarche : son refus. Méfiant, il a donné jusqu'à Thanksgiving jeudi pour lui répondre, parce que vendredi il rentre en Floride jouer au golf et prendre un bain moussant.

L'inacceptabilité du projet en l'état expliquerait que la Maison Blanche veuille provoquer une position ferme des deux belligérants occidentés que sont l'Ukraine d'aujourd'hui et la "Coalition des Volontaires". En fait, et l'avenir proche va nous l'infirmer ou nous le confirmer, l'Administration Trump prendrait prétexte du refus européen assez probable pour annoncer son retrait du dossier. La queue de trajectoire de cette balistique diplomatique, initiée par on ne sait qui à Washington si ce ne sont les Russes eux-mêmes, viserait à se dégager du terrain boueux russo-ukrainien pour consacrer du temps aux accords juteux d'Abraham et pour sucer la cerise de la riviera gazaouie.

Auquel cas, nous avons pratiquement toutes les réponses sauf une : les Américains continueraient-ils ou pas à fournir le renseignement tactique actuel en cas de refus ? Pour le reste, nous savons que nous sommes impuissants, par notre faute, par bêtise et naïveté, sauf à entrer dans le conflit en commençant par un Skyshield (No-Fly Zone) que nous procurerions à l'Ukraine avec nos propres avions pilotés par nos aviateurs, avec pour mission d'abattre tout ce qui volera vers nous. Est-ce l'idée à creuser de Nathalie Loiseau ? A défaut, c'est Munich 38. L'Ukraine capitule. Ce n'est pas impossible tant leur fatigue est grande. Mais Trump, défrisé par les critiques sévères surgies de toute part, a déjà annoncé qu'il avait un plan de rechange au cas où… avant de repartir dans le triangle Chine-Japon-Taïwan qui se réchauffe. Pouce !

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Nous allons nous attacher aux gens de ce triangle chaud-bouillant, aux gens du commun, pas aux dirigeants, parce que si les livrets diplomatiques du grand jeu sont bien connus, les gens ne s'y reconnaissent pas tous.
On croit par exemple que les Taïwanais sont derrière leur président comme un seul homme à défendre leur liberté et leur mode de vie. Il n'en est rien. D'ailleurs le Yuan législatif a échappé aux indépendantistes. Pourquoi ?
Le peuple taïwanais n'est pas homogène. Il est partagé entre les aborigènes formosans, les immigrés de longue date du Foukien qui ont donné leur langue à Formose, et les pieds noirs continentaux arrivés en 1950 avec l'armée vaincue de Tchang Kai-chek. Les premiers et les seconds ont connu par leurs parents l'occupation japonaise de 1895 à 1945 et s'en trouvaient bien - l'empreinte nippone demeure dans beaucoup de compartiments sociaux - puis vint la colonisation brutale par les nationalistes assoiffés de revanche qui fit pas mal de victimes chez les autochtones récalcitrants.
Les partis autochtones défendent les particularités de l'île et cherchent à rompre avec la "mère-patrie" qu'ils n'ont jamais vue.
Le parti du Kouomintang et le patronat sont sur un axe d'apaisement et veulent négocier la formule proposée antérieurement par Pékin, "un pays - deux systèmes", même s'ils ne se font aucune illusion sur l'évolution du concept une fois qu'il sera appliqué ; si l'argent coule, ils se feront une raison.
La Chine populaire d'aujourd'hui est devenue la seconde puissance mondiale et, quelque part, tous les Chinois en sont fiers. Beaucoup de Taïwanais cachent cette fierté dans leur cœur. Donc attention à certains emballements occidentaux en avant de la main. La main peut ne saisir que le vide.

Pour les Chinois du continent, Taïwan est chinoise depuis toujours ainsi que toutes les îles occupées par le Japon, et bien sûr toute la Mer de Chine méridionale puisque elle s'appelle comme ça. Je suis à jeun d'en avoir rencontré un seul qui accepterait de rationaliser sa position. C'est un fait in.dis.cu.ta.ble pour eux.

Le réflexe est identique sur l'énorme débit du Japon souscrit en Chine lors de la grande guerre sino-japonaise. L'Empire du soleil levant n'arrivera jamais à payer sa dette. Ce qui n'empêche pas la classe moyenne chinoise de priser les produits japonais réputés de meilleure qualité que les produits domestiques et d'aller visiter le Japon pour un oui pour un non parce que sa modernité, son extravagance, sa gastronomie, sa culture maritime et ses traditions obscures les attirent. Des millions de Chinois vont voir le Japon. Certains y envoient leurs enfants passer le bac.

On comprend déjà mieux la réaction épidermique du gouvernement chinois aux quasi-insultes du nouveau premier ministre nippon à l'endroit des revendications communistes sur le détroit de Taïwan. Et comme on pouvait s'y attendre, la société chinoise a suivi en annulant un demi-million de vols d'ici la fin de l'année et en refusant de manger du poisson importé du Japon.

Mais le Japon de tous les jours pulse autant que la Chine, et les gens n'ont pas le temps de se préoccuper de la dispute en cours ; il y en eut, il y en aura. Les gens s'en foutent et Sanae Takaïchi surfe sur leur désintérêt. Elle réarme et suce Trump en sachant que le soutien américain branle dans le manche. Les Japonais sont à Ramstein (RFA) et observent la danse macabre américaine avec l'Ukraine, couplée à l'attaque frontale de leurs propres alliés. Ils ne disent rien mais ont fait leur religion sur le futur du Pacifique. Ils ne doivent compter que sur eux-mêmes, et ils ont les moyens d'y parvenir en rusant un peu avec le statut pacifiste hérité de la guerre. C'est pourquoi Takaïchi s'est plantée à mon avis. Il fallait assurer la Chine d'une ère économique nouvelle "gagnant-gagnant" comme dit Xi Jinping, faire le voyage de Pékin, et pousser dans la même foulée les arsenaux, tout en jurant ses grands dieux qu'il ne s'agit que de contribuer à la paix de la région, cette grande région qui va guider la planète demain... Mr. Mitsuhirato aurait su le faire.

Je termine sur une redondance.

Aujourd'hui les Chinois ont compris que la liberté individuelle de choisir chacun n'importe quoi selon son bon caprice ne mène à rien. Le concept de démocratie a été décapé à l'acide par la propagande officielle comme contre-performant, la preuve sous vos yeux. A ceux qui en doutent, je conseille d'aller voir.
Même le Contrôle Social est accepté puisqu'il sécurise la société au quotidien, et c'est foutrement vrai par rapport à chez nous, ce qui n'empêche pas la classe moyenne et la jeunesse d'avoir deux portables et de tout savoir des VPN. S'ajoute au sentiment de sécurité, celui de progrès indéfini par la numérisation du quotidien en avance de vingt ans sur le nôtre. Faut pas les prendre pour des quiches non plus !
Et quoiqu'on vous raconte sur Hong Kong meurtrie par la sinisation de sa société, est maintenant faux. Les Hongkongais n'ont pas plus de temps à consacrer à la stratégie que les Japonais. Ils ont intégré la nouvelle donne, en prennent leur parti et sont revenus à leurs affaires. Jimmy Laï (Apple Daily) s'est battu pour la démocratie, autant dire pour rien en Asie, et il moisit en prison. Ceux qui ont émigré sont contents de l'avoir fait, ceux qui sont restés, aussi !

On sait bien les défis colossaux que la Chine populaire affronte à l'intérieur, mais le peuple vaque à la seule occupation qui vaille, gagner de l'argent par le travail, et sur ce plan, on est morts dans notre hamac social à crédit. Demain est pour eux un autre jour avant le lendemain du lendemain jusqu'à la fin des temps. Ce peuple existe depuis cinq mille ans au même endroit. C'est une meule qui use ceux qui s'y frottent. Un peu d'intelligence ne nuit pas !

PS : bémol du jour : le Fujian de 72000 tonnes est raté ; les trajectoires de ses trois catapultes électromagnétiques se croisent, il est obligé de les utiliser l'une après l'autre, ce qui annule l'intérêt d'en avoir trois.


ALSP !

16 novembre 2025

Une orchidée dans les cheveux

Fille d'Aung San, dernier premier ministre de la Birmanie anglaise et père de l'indépendance négociée avec le raj britannique, Aung San Suu Kyi a pris le virage de ses quatre-vingt ans au mois de juin dernier. Est-elle pour autant rangée des voitures ? On peut raisonnablement le penser bien que de son existence-même suinte une grande influence dans la majorité bouddhiste birmane. Les mois passant, elle migre lentement vers le cadre iconique qui va la figer au mur.

En 2013, Madeleine Albright avait fort bien résumé le combat politique d'Aung San Suu Kyi pour le Time-100 de l'année. C'est à lire ci-dessous :

« En 1990, l'armée birmane a refusé de reconnaître la victoire électorale du parti pro-démocratie d'Aung San Suu Kyi. Cinq ans plus tard, lorsque Suu Kyi a été libérée de son assignation à résidence, je lui ai rendu visite à Rangoon, où elle était ferme dans ses revendications : une véritable démocratie, la liberté pour les prisonniers politiques, la fin du gouvernement par la peur.
S'ensuivit un test de volonté pour déterminer l'avenir de la Birmanie ; d'un côté se trouvait une junte totalitaire, et de l'autre cette femme indomptable.
Pendant des années, il ne semblait y avoir aucun espoir ; mais ensuite, en 2011, les autorités ont commencé à reculer. La censure a été réduite ; les prisonniers ont été libérés. Suu Kyi a été élue au Parlement. Aujourd’hui, une véritable démocratie est promise.
N’étant plus prisonnière, Suu Kyi est une dirigeante politique qui doit prendre des décisions dans un environnement politique fragile. La bravoure d’Aung San Suu Kyi pour défier — et vaincre — la répression donne de l’espoir à tous ceux qui chérissent la liberté.»

Elle remporte ensuite toutes les élections sous les applaudissements du monde libre, jusqu'à ce que l'irrédentisme musulman s'invite en Arakan, poussé par les prêcheurs du Golfe persique attisant la misère d'une communauté plus ou moins importée par les Anglais sur les terres bouddhistes du petit véhicule, le moins accommodant. Les Rohingyas n'ont pas une meilleure réputation que les Roms ne l'ont chez les Slaves d'Europe orientale, et leur revendications ont donc été écrasées par une répression féroce ; elles le sont toutes !

La Communauté Internationale s'est émue du silence puis de l'approbation par Aung San Suu Kyi de la réaction musclée de l'Etat birman. Les distinctions ont commencé à lui être retirées et les grandes voix de la conscience universelle lui devinrent hostiles, jusqu'à ce qu'elle perde l'aura qui la protégeait des appétits politiques de la junte rampante. Et ce fut le coup d'Etat militaire du 1er février 2021. Les critiques étrangères de son mandat auront abouti à son renversement. Elle est depuis lors assignée à résidence chez elle sous un régime assez permissif, tant qu'elle ne se mêle pas des affaires de ces messieurs à casquette vissée.

La bien-pensance mondialisée s'est trompée sur Aung San Suu Kyi. Elle n'est pas une pigiste féministe au Nouvel Obs mais un homme d'Etat dans un pays compliqué qui affronte une lutte de désintégration permanente menée par les minorités ethiques de la montagne. La déstabilisation de l'Arakan devenait une menace existentielle pour la nation birmane parce qu'elle redoublait au sud la menace venue des communautés du nord. Elle a donc réagi en "chef d'Etat" responsable contre la tenaille qui menaçait son pays, et pas en midinette des droits de l'homme. On pense dans les chancelleries qu'elle aurait pu mieux s'y prendre, elle en convient d'ailleurs. Un peu plus de langue de bois humanitaire, un soupçon d'hypocrisie et d'égotisme auraient pu la sauver sur la piste du grand cirque diplomatique. Mais ce n'est pas son caractère, et son entêtement lui ayant valu deux fois la victoire, elle ne pouvait pas s'en défaire et ruser. La menace islamique était trop visible, des Birmans, mais pas des moralisateurs climatisés d'Occident !

On peut en retenir qu'il existe des pays difficiles qui n'ont pas de chance - le pays était en 2020 sur les rails d'une vraie démocratie - quand d'autres pays, perclus d'atouts uniques au monde, se ruinent consciemment dans des idées évaporées de solidarité et d'assistance des gens du berceau à la tombe. L'autre sujet de la semaine est une synthèse franco-algérienne que nous propose la libération allemande de Boualem Sansal.

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Faisons un sort déjà au contentement de M. Barrot qui y voit l'effet d'une "relation exigeante" quand tout le monde s'accorde à dire que le dialogue avec le Quai d'Orsay est cassé (selon les mots-mêmes de l'ambassadeur de France à Alger) et que la situation du condamné n'avait fait qu'empirer. Les autorités françaises ont cherché à capter immédiatement la gloire de l'élargissement de l'écrivain quand tout le monde sait que c'est la société des amis de Boualem Sansal (éditeurs, libraires, lecteurs et amis) qui a tout fait pour obtenir la grâce présidentielle, sans liaison avec le Quai. Celui qui a eu l'idée de demander à Frank-Walter Steinmeier de passer un coup de fil à Abdelmadjid Tebboune afin qu'il vienne en Allemagne soigner sa condition physique très dégradée, est pour l'instant un génie méconnu. Le président Tebboune a l'habitude de se faire soigner en Allemagne pour des interventions hors de portée du système de santé algérien. Donc c'est bien vu !

On notera dans la séquence des peigne-culs s'en suivant que ni le Premier ministre français ni le ministre des affaires étrangères n'ont daigné citer le nom du président allemand, encore moins le remercier nommément et en public. C'est loin Vergennes, mais nous sommes habitués à une diplomatie de nains de jardin ! Que de la gueule !

Quel était le motif de la condamnation ? Au beau milieu de la guerre froide algéro-marocaine qui est plus un affrontement identitaire qu'une revendication territoriale, il n'est pas très malin d'argumenter sur la marocanité des cantons occidentaux d'Algérie, même s'il y a eu effectivement des confiscations de sol au détriment du protectorat pour renforcer la colonie. Boualem Sansal n'en était pas à sa première imprudence, surtout par sa critique inlassable de l'islamisation forcée de son pays après la loi de Concorde civile de Bouteflika qui rouvrait la porte aux radicaux pour en finir avec la guerre civile. Boualem Sansal a toujours eu la dent dure, prenant à témoin les Français à qui il distribuait ses avertissements contre le quiétisme trompeur des chargés de chaire islamique chez nous.
Je pense que ce sont les religieux qui ont cherché à le faire taire, plus que l'état-major général. Son retour en Algérie était une décision irréfléchie. Maintenant il le sait ! Ce n'est pas pour autant qu'il doive s'abandonner au triomphe d'un retour vainqueur à Paris parmi la communauté des dissidents algériens. Le président allemand a motivé sa requête par des conditions humanitaires de santé justifiant son hospitalisation en Allemagne. Qu'on joue la partition jusqu'au bout. Il est inutile d'étaler maintenant la duperie. Et lui-même serait mieux inspiré de faire profil bas, sa naturalisation, ayant juste un an et quatre mois, ne lui a pas servi à grand chose, le Quai étant incapable d'actionner sa nouvelle nationalité.
En fait, il est assigné à résidence en Europe (il y a pire) avec une liberté de parole retrouvée qu'il ne sert à rien d'exagérer, les destinataires de ses dénonciations étant parfaitement étanches à la critique. Qu'il vieillisse bien et longtemps pour nous faire profiter de livres intéressants, c'est tout le mal qu'on lui souhaite !

Le problème franco-algérien, c'est la relation spéciale et toxique entretenue par chacune des parties depuis l'indépendance et l'exode. Les points de discorde ne peuvent se dissoudre que dans une relation normale, banale, standard, d'Etat à Etat, de nation à nation. Ce sont les passe-droits et les exemptions diverses qui lèvent la colère de part et d'autre. Et, dit en passant, l'abrogation des accords de 1968 n'est pas le remugle d'un passé colonial moisi mais une conversion de la relation spéciale au droit commun universel. Cette situation atypique est de la faute de la France qui a toujours considéré qu'elle avait un devoir d'accompagnement, de commentaire et de critique sur l'Algérie. Les délégations du FLN n'avaient aucun levier pour exiger en 1962 comme 1968 un statut privilégié pour leur pays. Elles devaient se contenter de l'indépendance et des atouts que lui laissait l'ancienne puissance coloniale. Bien gérée, l'Algérie était capable de tutoyer dans les années 60 le niveau économique de l'Espagne. On en est aujourd'hui très loin du fait de la mise en coupe réglée du pays par la junte et ses familles. Elle n'avait besoin d'accompagnement d'aucune sorte, sauf peut-être à laisser ouvert le marché français pour y écouler ses productions exportables. Il y a fort à parier qu'une discussion Macron-Tebboune les yeux dans les yeux pour établir la banalité intégrale de la relation franco-algérienne sans discrimination aucune, aurait dû aboutir pour le plus grand bien des Algériens de France d'abord, et de nos entreprises françaises en Algérie aussi.

Ce paternalisme délétère fut appliqué par l'administration gaulliste à tous les pays décolonisés. "Vous êtes indépendants dans les limites que nous vous octroyons sous la menace de tarir le virement mensuel des fonds structurels". C'est le drame de la France-Afrique, on n'y reviendra pas, elle meurt enfin, puisque les décolonisés sont grands maintenant et que nous sommes raides ! L'Algérie n'était pas une colonie africaine comme les autres, son indépendance une fois assumée convoquait plus d'intelligence que nous n'en avons montrée.
Kamel Daoud ne prendra pas l'avion.

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Pour rester dans le coup, il faut terminer par la COP30 de Bélem. Ce grand raout climatique tiendra sa promesse de réseautage et d'accès des lobbyistes aux décideurs nationaux. Parmi ces lobbies, le plus puissant est toujours celui des pétroliers et "fossiliers" qui négocient leur futur. Ce qui me fait dire que si le réchauffement climatique et ses désordres ne peuvent être contenus que par l'unanimité des pollueurs - nous tous - le pas de côté (inqualifiable) de l'Administration Trump ruine cette perspective, et malgré les efforts colossaux de la Chine populaire, il faut que les peuples - nous tous - se préparent dès maintenant s'adaptater aux événements météorologiques monstrueux.

Le petit grillon de Pinocchio me sussure à l'oreille que la limite arbitraire et quelque part magique des 2 degrés C. sera dépassée avant la fin du siècle, et que les générations nouvelles doivent se préparer à l'assaut des éléments. On peut réclamer des mesures conservatoires au président, au préfet, au maire voire même au Macronard de la circonscription. Mais au niveau de ce blog individuel et portatif, que fait-on, toi, nous, lui, sans attendre l'ouverture promise du four à gaz qui déclarera la planète invivable ? Toi-nous-lui un milliard de fois, cela pourrait quand même changer des choses ! Quelques idées en partant de l'hypothèse (invérifiable) que le réchauffement climatique est provoqué par la surpopulation de la planète, planète confisquée par une espèce prédatrice de toutes ses ressources qui n'arrive plus à les reconstituer. Nous pourrions bien mourir d'overdose de la consommation. Alors ? :

  1. Réduire sa consommation générale de tout, acquérir un réflexe de refus si la convoitise n'est pas de nécessité.
  2. Réduire la cylindrée de la prochaine voiture à proportion des limitations de vitesse ; et apprendre à conduire sur le couple, c'est le régime qui consomme le moins.
  3. Gérer l'eau en récupérant la pluie et les eaux d'évier. Les citernes en maçonnerie creusées dans la garrigue aride de Montpellier paliaient les sécheresses en accumulant l'eau des orages.
  4. Rafraîchir son environnement proche par la végétalisation des structures. Les vignes vierges d'antan n'étaient pas que décoratives.
  5. Chauffer moins (quel que soit le mode de chauffage), s'habiller plus chaudement de laine naturelle ou de cotonnades feutrées.
  6. Ne pas courir à droite et à gauche pour un rien. Eviter Dubaï !
  7. En un mot, consommer "responsable" en visualisant la chaîne de production et de destruction.

ALSP !