23 mars 2025

Voyage, voyages !

Plus loin que la nuit et le jour. Deux enterrements la semaine passée, distractions qui participent du triste privilège de l'âge. Les affligés d'un côté, les compassés de l'autre ; un prêtre perdu dans sa routine et peut-être dans sa foi, qui brandit l'espérance et la résurrection des corps sans expliquer comment. A quoi bon, ils n'écoutent pas. Certains regardent leur montre.
Nelly avait été d'une très grande beauté et même au soir de sa vie, on reconnaissait aujourd'hui encore sa beauté de jadis à ses yeux toujours magnifiques, au velours de son regard. Son fils avait placé un grand portrait d'elle à côté de la bière, effet waouh garanti. Elle a passé les gènes à ses petites filles qui sont aujourd'hui de très belles femmes, mariées à des travailleurs comme l'était leur grand-père que j'ai bien connu. Nelly faisait partie de ces femmes qui pouvaient tout avoir mais qui préféraient la sûreté d'un mari travailleur et amoureux. J'ai deux cousines par alliance très jolies au nouveau monde et même mieux que jolies, qui sont exactement dans ce paradigme de l'adoration provoquée par leur beauté associée à la sécurité du labeur.

Le prêtre lit maintenant l'évangile des Adieux selon saint Jean (#13.31 et s.) mais l'assistance éplorée n'écoute pas, ne comprend pas, parce que le texte d'origine est difficile et qu'on ne lui a pas expliqué la métaphysique de la séquence disruptive qui se produit en ce moment entre l'âme et le corps. Quand aboutira la réunification promise par les Ecritures ?
Qu'elle ait été mise au jour par les Bons Hommes de l'Hérésie n'en diminue pas la force : les deux éléments constitutifs de l'homme, l'âme et le corps se fracturent dans la mort. L'âme guidée par l'Esprit qui lui reste extérieur, anime le corps, amphore de son humanité. L'Esprit diffuse la morale du bien essentiel. De l'Esprit émane la vraie Vérité. Le Mal principiel qui a choisi de résider dans l'amphore, Satan, n'a de cesse de couper la transmission entre l'âme et l'Esprit afin d'agrandir sa population contre Dieu, et nous savons combien souvent il y réussit. Quitter le corps pourrissable en attendant se recréation en corps astral au jour de la résurrection est le projet de l'âme ayant conservé le paramétrage de la future transfiguration. Si elle a vaincu le Mal, elle croise dès ce jour sur la route de rencontre avec l'Esprit qui l'attend dans un des ciels d'Isaïe.
Quand vous avez compris l'articulation, vous "participez" à la messe des morts parce que vous disposez in pectore d'une construction rationnelle à laquelle vous pouvez raccrocher une perspective dans ces moments intenses. A défaut, vous vous y ennuyez.
Accessoirement, vous comprenez que les propositions infantiles de l'Eglise romaine, aggravées d'un déficit d'exégèse publique des évangiles, aient été laminées par la doxa cathare qui emportait toute la pratique religieuse sur son aire de chalandise. C'est bien ce qui a motivé la réponse féroce du pape Innocent III.

Le second enterrement fut initié par une erreur hospitalière qui déclencha une septicémie foudroyante. Elle n'avait que soixante-dix-sept ans et venait de résilier son abonnement à Tintin à l'issue d'une longue chimiothérapie. La famille est apparue écrasée de chagrin, littéralement, surtout les jeunes qui ne pouvaient contenir leurs larmes. La section compassée de l'assistance fut touchée elle-aussi par tant de tristesse et il y eut beaucoup de fleurs et de serrement de mains. Je suis à côté du maire. Habitant la commune, il y vient ! Sophie, qui lui avait fait l'école, avait ce charme slave indéfinissable qu'elle a passé à ses filles. Très décidée, réactive et contestataire, le regard pétillant et le cœur sur la main, sa mort soudaine a frappé la ville de sidération. Dans une grande dignité la famille n'assigne pas. Elle est au-dessus de ces contingences procédurières qui ne ramènent personne à la vie et détournent l'attention de la méditation nécessaire dans l'épreuve d'une faute grave de la société. Croyante fervente, on n'a pu que lui souhaiter bon voyage et... à bientôt. Nous, nous restons là, à contempler l'apocalypse de la Bête, en se demandant si tout cela va sérieusement mal finir.

L'empire de la Brute est revenu par ce monde, les lois entre les nations sont bafouées, piétinées, ridiculisées, qui amoncellent les morts comme du bois pour rien. Soudan, Ukraine, Congo, Palestine sont ravagés par l'hydre à sept têtes qui a pris le dessus partout où a plié la résistance de la raison. Le pouvoir suprême rend fou ceux qui n'y ont pas été préparés, et surtout les incultes qui n'ont jamais croisés dans leur éducation les principes du juste gouvernement des hommes. Tirés au sort de l'élection, ils s'abandonnent à l'ivresse de leur puissance toute nouvelle aux dépens des gens qu'ils ont pris en charge et les font tuer par milliers pour assouvir un délire d'hégémonie, voire un destin personnel carrément christique acheté sur étagère. Le syndrome d'hubris est compris dans le package, c'est une vraie maladie, pas une simple tentation. Où vont Poutine, Trump, Netanyahou, Erdogan et la redoutable chattemite Xi ? En enfer, mais ils ne le savent pas : et qui le leur promettrait serait écartelé sur la roue de la cohésion nationale. Il est dangereux aujourd'hui de vouer le tyran aux gémonies ; il est partout.

ALSP !

16 mars 2025

L'œil du chat

Pour dénombrer les oiseaux au jardin, j'ai accroché deux boules de graisse grainetière dans deux arbrisseaux, un seringat derrière, un laurier devant. Ainsi ai-je pu rajouter le couple de geais bleus à ma liste. Pour leur part, les pies ont repris possession de leur espace vital et l'une à tour de rôle guette souvent au faîte du grand frêne. Les mésanges opportunistes viennent plus souvent, le rouge-gorge attend que je tonde mais les haies qui reprennent n'attendront pas longtemps le coiffeur. Le froid persistant sous la goutte froide de M. Météo empêche les lézards de se réveiller. Il faut penser à vider les seaux d'eau de l'hiver dans lesquels ils ont coutume de se noyer. C'est très con un lézard. Comme pour François Premier la salamandre, on devrait blasonner Ubu-Trump d'un lézard. Mais nous n'irons pas sur ce terrain, la terre entière s'y bouscule déjà.

Le vieux chat jaune, autrefois thaï, marche avec peine désormais et quand j'agite les bras pour le dérouter, il ne part plus, mais stoppe sur place et me regarde fixement comme s'il voulait engager la conversation. Je ne sais s'il passera l'hiver - j'en doute fort - mais il a beaucoup de choses à dire d'ici là, ça se voit ! Les génies de la Silicon Valley devraient inventer une intelligence artificielle de communication entre les hommes et les bêtes. Nous en apprendrions tellement ! Ne dit-on pas de certains caniches qu'il ne leur manque que la parole ? Un jour que je marchais sur le causse en compagnie d'un fils d'agriculteur attaché aux caves de roquefort, je devisais à haute voix sur l'improbabilité que les animaux que nous rencontrions en chemin puissent anticiper leur propre mort comme le fait l'homme. A quoi il me répondit sans élever la voix : « qu'en sait-on vraiment ? Pourquoi ne seraient-ils pas dotés de cette préscience à défaut d'intellectualiser la mort ?» C'est le titre du film "Les oiseaux se cachent pour mourir" avec Richard Chamberlain en évêque (1983) qui m'a longtemps intrigué. Le vice comme le risque rend-il discret ? Nous cachons-nous pour méditer ?

Pauvres diables que nous sommes, qui s'inventent des lendemains dans un au-delà fantasmé après l'extinction des feux de la vie ! La race humaine a passé des milliards d'heures à s'inventer une éternité à la veillée du soir, éclairée par une lampe tremblante au suif qui projetait ses ombres sur les parois de la caverne, jusqu'à créer l'âme et mythifier une religion et un ciel plein de dieux. Heureux les croyants qui ainsi meublés ne sont pas des bêtes et voyagent plus loin dans l'abolition du temps. Abstraction !

Sur les animaux, on se pose la question depuis Aristote et son histoire du couple de dauphins soutenant un petit sans vie pour qu'il ne coule pas et ne disparaisse dans la gueule d'un monstre marin. On a étudié la population pénale des primates incarcérés dans des zoos ; mais leurs conditions de vie et la proximité humaine faussent observations et conclusions. Par contre, à l'état sauvage, on sait que les hardes d'éléphants pratiquent une forme de deuil au décès d'un des leurs. Qu'en est-il de nos cousins les singes ? A part le capitaine de la Black Pearl et son capucin Jack, qui a discuté longtemps avec un singe ? Au cinéma peut-être mais fondamentalement, les animaux vivent pour vivre, accomplissent des tâches fixées par leur instinct et n'ont pas conscience de la mort, sauf à être capables d'abstraction. Ce qui est démenti par le Muséum. Leur premier instinct est celui de leur propre survie, voire de celle du groupe, qui engagera les plus forts à affronter le danger imminent au bénéfice de tous les autres.
Finalement, la question se pose aussi pour Donald Trump, le gros chat jaune d'Amérique et son œil qui tue ! A-t-il une âme ?

ALSP !

09 mars 2025

Le petit sakura a fleuri

Il n'était rien jusqu'à hier soir, on ne le distinguait même pas sur le fond des lierres dorés de la falaise mais ce matin, il s'est recréé, le petit sakura a fleuri. Le printemps est arrivé chez nous avec les jonquilles et les primevères. Le forsythia est en retard mais se dépêche. Ceux des lecteurs qui suivent la saga des pies seront étonnés d'apprendre aussi que le couple parti en villégiature après les dégâts de la grosse tempête, est revenu après mûres réflexions. Elles ont choisi le plus gros moignon des trois nids emportés et en utilisant l'appareil restant des deux autres, elles ont doublé le volume du nid initial. Il est rare de voir le darwinisme en action sur une échelle de temps aussi courte. Les autres propriétaires ont bougé eux-aussi. Un couple de ramiers échappés d'un pigeonnier de course établi sur le plateau ont quitté l'étage alors libéré pour redescendre au niveau antérieur. Quant aux merles des lauriers-cerises en dessous, ils ont retraité loin de toute agitation dans le lierre de la falaise ; ils sont en train de se remarier. Les corneilles passent et repassent comme avant, pour intimider les pies. Le rouge-gorge obligatoire est revenu au jardin dès lors que tout s'est remis en place. Un tuyau pour amortir le paragraphe : si vous voulez attirer des mésanges, donnez-leur des cacahuètes. Je vous tiens informés, même si je doute d'une nichée au printemps. Par contre le nid de frelons noirs est probable cette année encore et l'association d'apiculteurs le traitera dès la chute des feuilles cet automne. Sur ce, j'ai écouté ce matin le discours historique de M. Macron prononcé depuis l'Elysée mercredi dernier (clic) et dont on dit tant de bien dans la presse subventionnée.

Donc le réarmement de la France est lancé, au motif légitime d'une insécurité en augmentation de tout bord. Dit en passant, découvrir que la signature de Vladimir Poutine ne vaut pas le prix du papier sur lequel il signe, est assez tardif. On n'a pas entendu non plus une remise en cause des désarmements pratiqués par François Hollande et Nicolas Sarkozy, ce dernier, confondant de bêtise, ayant poussé le bouchon jusqu'à construire des navires d'assaut amphibie pour la Russie qui menaçait déjà la Baltique orientale ! Mais si nous passons en économie de guerre sous le slogan du "Si Vis Pacem", il faut se poser deux ou trois bonnes questions : qui nous menace ? où sommes-nous menacés ?

Qui ?
- La Russie poutinique sur nos valeurs libertaires essentielles et dans notre sphère d'intérêts post-coloniaux (appelons chat un chat...)
- La Chine populaire sur nos territoires ultramarins en Indo-pacifique pour la grande superficie de nos zones économiques exclusives renfermant des ressources halieutiques et minières considérables qu'elle peut juger être mieux à même d'exploiter.
- Un Brésil post-Lula sur la Guyane française dans la nécessité de politique intérieure d'un trophée populiste (ce serait leurs Malouines).
- Les Etats-Unis d'Amérique sur toute notre base industrielle et technologique de défense qui entre en concurrence avec la sienne. Et cette guerre-là est ouverte depuis longtemps dans le domaine aéronautique.
- Les Etats-Unis muskiens sur notre base industrielle astronautique pour la même raison.
- S'ils fédéraient le Canada, les Etats-Unis trumpiens sur l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon qui est un poste d'observation trop avancé.
- Le Sud Global au sein du comité de décolonisation des Nations Unies, renforcé de tous les précédents, qui vise les DOM-TOM réputés malheureux en nos mains, au bénéfice de libérateurs en quête d'une carrière de satrapes tropicaux.

Chacun a bien noté que la menace russe n'était pas territorialisée à l'intérieur de notre propre géographie mais explicite sur nos amis partageant nos valeurs de liberté. On pense déjà aux Baltes, Polonais, Tchèques et Roumains qui ont éprouvé dans le passé le feu de la rhétorique soviétique.

Les dividendes de la paix (du premier ministre Fabius) sont taris, définitivement secs. Dans un monde incertain où la brutalité augmente à proportion de l'accession démocratique au pouvoir de parrains incultes issus de la mafia du Fric, il faut, pour financer le réarmement, bouger impérativement l'un ou l'autre des curseurs budgétaires. Pour n'en citer que cinq :

  • durée légale du travail hebdomadaire
  • âge légal de départ à la retraite
  • modèle social (santé, chômage, pensions) en accroissant dans le même élan la lutte contre le coulage et la fraude
  • contribution universelle des ménages à l'IRPP avec réduction du périmètre de l'Etat invasif pour amortir le choc
  • emprunt de guerre plus ou moins forcé de type Barre

Or, tant l'Elysée que Matignon refusent l'augmentation des impôts, l'augmentation générale de l'activité salariée et sanctifient les prestations sociales en l'état. En fait…… on nous balade ! S'éloignant des simplificateurs de préaux vociférant aux extrêmes, les Français sont prêts, selon les sondages, à considérer un changement de paradigme qui consolidera la sécurité de la nation aux dépens de l'assistanat national. Mais on ne laisse parler que les mêmes, les revendicateurs professionnels et autres syndiqués, alors qu'il faudrait écouter les gens ordinaires, les plus nombreux, eux qui se lèvent chaque matin pour gagner leur vie à la sueur de leur front.

M. Macron donne les motifs et les axes du sursaut national, mais il n'ose pas en demander les moyens à son premier ministre qui s'avère être surtout un fin manœuvrier. Achevant son second et dernier mandat présidentiel en mai 2027, M. Macron a-t-il l'ambition de prendre l'Europe dans ses bras, après son échec au plan national ? Tout depuis le début le laisse croire. Fraîchement élu, il était monté à Bruxelles en courant pour réformer l'institution européenne. Avec de bonnes idées ! Mais ce qui lui manque - et six ans de mandat présidentiel l'ont aujourd'hui démontré - ce n'est pas un "entrepreneur". Il n'a pu se maintenir chez Rothschild où Alain Minc l'avait placé car la charge d'associé-gérant est quasiment un sacerdoce éreintant, auquel il a préféré, petite fortune faite, sa réintégration dans la haute fonction publique dispensatrice d'honneurs. S'il est cultivé et connaît bien le tropisme monarchique français, ce n'est pas non plus un créateur ; il fait plus confiance à son cabinet d'algorithmistes en soupentes qu'en ses propres analyses. Or la situation stratégique de l'Europe occidentale convoque beaucoup d'imagination, d'inventivité, de talent, pour passer entre les mâchoires des deux empires ligués contre elle, le temps qu'elle s'affirme elle-même comme un acteur global en puissance et en crainte projetées.

La France et l'Europe occidentale ne manquent pas de carrures capables de prendre le lead européen, mais les Français en capacité d'y prétendre se sont barrés de la politique après la séquence parfois salissante de présidents médiocres et d'un personnel politique douteux ; à moins que ce ne soit pour éviter les quolibets des enfants lors du repas dominical.
Alors, Draghi ? Merz ? Tusk ?

ALSP !