09 novembre 2025

Dans les pas de la Brute

"Un con qui marche ira plus loin qu'un intellectuel assis" nous prédisait Michel Audiard. Cet aphorisme qui va de pair avec "celui qui ose tout" nous précipite dans l'analyse comportementale du Grand Con d'or qui défie la loi de la gravitation universelle puisque le chef d'escadrille ne se crashe pas encore. C'est bien de Donald Trump qu'il s'agit. Sa politique orthogonale de destruction du wokisme coupe à angle droit tous les canons de gouvernance, et si sa popularité décline, elle ne crée pas d'appel d'air pour le parti d'opposition. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il résout la problématique inextricable de l'immigration sauvage en lançant sa propre Gestapo (ICE) à leurs trousses. C'est inhumain mais les résultats sont là, et il sait qu'on en tiendra compte au jour du jugement dernier, dans un an aux Mid-Terms. Le dit-parti d'opposition s'est fendu en deux entre les gérontes de l'âne d'un côté, et de l'autre, le vit de mulet d'une génération en érection. La victoire de New York du melted candidate pose autant de problèmes au GOP qu'aux Démocrates "canal historique" qui sont de fait éjectés de l'assiette au beurre. Après un tweet de dépit sur Truth Social, la marche en avant du Golem continue.

Les observateurs ont noté que l'aversion du Satrape doré pour la bureaucratie a transformé l'échec du shutdown en purge administrative, des milliers de fonctionnaires fédéraux ayant été débarqués sans préavis au lendemain de la cessation des paiements. L'échec relatif d'Elon Musk au DOGE - mais les annonces étaient trop emphatiques - est contrebalancé par les effets de la controverse parlementaire. Il faut remarquer que devant son écran ou devant sa tablette, Trump ne rate aucune occasion de faire avancer la réalisation de son programme sur l'axe annoncé.
Si la guerre douanière a connu son lot de reculades (la Chine récemment), il n'en demeure pas moins qu'en l'état, les droits d'importation à l'instant T sont plus favorables aux Etats-Unis aujourd'hui qu'ils ne l'étaient sous Joe Biden. La balance commerciale est légèrement améliorée. La limite de l'exercice est le surenchérissement des intrants de l'industrie domestique qui augmente le prix des produits transférés à la consommation, et celui des biens importés non-fabricables en Amérique, les deux propageant une hausse des prix inflationniste que Joe-Six-Pack-tout-à-crédit scrute attentivement. La décision judiciaire actant l'étonnement manifesté à l'égard de la guerre tarifaire par la Cour Suprême des Etats-Unis, nous fera juges de son impartialité. N'en doutons pas a priori.

Une économie de la taille de l'économie américaine avec ses centaines de boutons de contrôle doit se régler assez finement, sinon part en vrille comme en 2007. On devine que le réglage fin n'est pas la première qualité de Trump - mais il n'est pas seul au monde non plus - et que c'est sur ce front, pour lui secondaire, qu'il pourrait bien périr à la fin…

… car (1) le Chicano est indispensable à l'agriculture intensive comme à l'économie générale de base. Au niveau zéro de l'économie californienne (les rez-de-chaussée), on vit très bien les six jours de la semaine en ne parlant que l'espagnol. Et le dimanche, on va à l'église de ND de Guadalupe pour se souvenir que ces terres étaient hispaniques jadis ;

... car (2) le Noir (d'importation) a été inséré dans tous les compartiments de la sphère publique et qu'il prend des parts de marché dans l'entreprise privée, refoulant ce faisant les préjugés racistes du monde MAGA ;

… car (3) les conditions de production du Tiers-Monde ne seront jamais transposables aux Etats-Unis où les Unions syndicales sont puissantes, et donc que les produits nécessaires à la satisfaction des besoins de la consommation de masse devront toujours être importés. A combien reviendrait un T-shirt authentique fait de pur coton américain aujourd'hui ? le produit importé vaut sur l'étagère de 2 à 4 dollars contre 16 à 24 pour le vrai (clic). Autre exemple : qui a vu, hors de Manhattan, un américain chaussé de cuir à l'italienne ? tout le monde est en basket importé ;

... car (4) il existera toujours une frange de la population inadaptée aux conditions de la vie moderne, et qu'à moins de les réduire par tous moyens même légaux, il faudra bien continuer à servir la Morale de l'espèce humaine en s'occupant d'une façon ou d'une autre de tous les laissés-pour-compte de la communauté des hommes. Il y a aussi une religion pour ça.

Justement ! L'autre champ de manœuvre est la guerre déclarée aux narcotrafiquants qui ravagent la société américaine dans des proportions inouïes. Contrairement à nos ministres va-de-la-gueule qui cherchent des yeux la caméra et le micro, la Brute coule les go-fast des cartels avec l'incinération des équipages et montre ensuite la vidéo. Ceux qui ont cru le bloquer en l'assignant devant un quelconque tribunal, fut-il médiatique, ont découvert au petit matin sous leurs fenêtres le plus gros porte-avions du monde armé jusqu'aux dents. C'est donc bien vrai "qu'ils osent tout et que c'est à ça qu'on les reconnaît !". On s'attend donc à ce qu'il affronte directement l'insistance des cartels sans tenir compte d'aucune frontière.
Il faut dire que le spectacle des trottoirs américains jonchés de morts-vivants complètement déshumanisés par le fentanyl vous soulève le cœur, et que le premier mot qui vient à l'esprit c'est "pas de quartier pour les producteurs". Probablement qu'il les tuera dans les exécutions extrajudiciaires qui vont bien.

Nous mesurons ici le chemin à parcourir pour nous défaire des freux de la drogue qui règlent la vie des zones de non-droit. Nous n'avons pas l'équivalent politique en rayon et nous nous en félicitons en plus ! Des fois que nous résoudrions un problème vital, réputé insoluble par les curés de la pensée unique ! Au fait, on n'a plus de nouvelles de l'hypnothérapeute Miller qui se répandait en référence morale sur les antennes du service public. Il nous aurait dit quoi penser de Donald le Dingue et de l'Etat de droit sacré.

On peut, comme le fait avec talent le sénateur de Vichy, Claude Malhuret, dénoncer la brutalité des dérives trumpiennes et la connerie "augmentée" du modèle. On ne peut pas lui dénier d'obtenir des résultats, jugés improbables a priori, et acquis de son labeur propre, même s'il ne lit que des résumés d'une demi-page écrits gros. La brute-qui-marche laissera à son successeur un paysage politique dévasté mais une société américaine assainie de nombreuses dérives mortifères portées par les nouveaux illuminés qui sont à leur manière des barbares au sens grec, la gauche pour ne pas la citer.

L'état de calamités aggravé de notre pays convoque à son redressement un Homme d'Etat suffisamment gonflé voire féroce pour passer sur le ventre de tous les docteurs de la loi et ligues morales qui autrement le feront trébucher dans une guérilla de tous les instants, au motif du pouvoir suprême du Sed Lex. Je pense que les forces de l'ordre sont prêtes à fondre sur le crime organisé et la délinquance open bar qui se rit des rappels à la loi et des sursis. Il ne reste à trouver que le satrape couillu qui osera se salir les idées pour vaincre les malfaisants. Débattre ensuite des voies et moyens nécessaires au grand nettoyage de printemps nous mettrait en mauvaise posture, à la merci des gardiens de la Révolution avides d'amendes. Aussi, comme on dit à l'orchestre, restons en la, et vérifions le stock d'Armistol !

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Demain, nous commémorerons le succès de nos armes à la Grande Guerre obtenu par le sacrifice de la fine fleur du pays, comme il en allait dans les guerres napoléoniennes qui tuèrent une génération de géants. Un million quatre cent mille soldats tués en quatre ans et autant d'estropiés manqueront à tout jamais dans la société française qui mettra plus de dix ans à se reconstruire, juste avant le krach mondial de 1929 ! Quand ça veut pas !!! En fait la nation française ne s'en remettra finalement pas, et perdra toutes les guerres s'en suivant. N'oublions jamais qu'en 1918 les Allemands capitulèrent chez nous, pas chez eux, et rebelotte en 1945. Un peu de modestie ne nuit pas. Achetez un bleuet de France pour nos invalides de guerre, à défaut trois violettes, c'est la fleur qui convient.

ALSP !

02 novembre 2025

Chrysanthèmes de saison

Ôtez-vous d'un doute : les chrysanthèmes-infusion étaient pile à l'heure pour la "fête" des Trépassés, Memento Mori. Bonne tisane ! Sinon quoi, à part la messe de saint Hubert, patron des chasseurs, piqueux, meutes à courre et sonneurs de trompe ?
Le combat de pitres à l'Assemblée nationale qui vaut bien son pesant de nains ! L'exécutif a rendu la main au parlement pour donner un budget à la France, mal lui en prend ; l'hémicycle est perturbé par les arrières-pensées partisanes des parlementaires qui attendent la dissolution annoncée faute d'aboutir. Les députés ont déjà acté leur propre échec. L'antiparlementarisme fait rage au sein de l'institution par l'attitude négative des parlementaires, puisque le législatif est ramené à l'étroitesse de la circonscription électorale. Ils comptent déjà les voix une à une, bureau de vote par bureau de vote. Chaque député mesure ses chances, vote en séance, s'abstient ou déserte selon l'impact qu'il en présume sur ses électeurs locaux. On goûte la petite soupe aigre de la démocrassie de pissotière produite par l'oxydation de la vraie démocratie. On peut dire que la classe politique française a achevé le projet de détournement des députations en prébendes d'ancien régime qu'il faut protéger par moult privilèges et alliances de réseau. Comme La Casta italienne, il va lui falloir rendre des comptes tant les gens sont excédés par leur cirque législatif, leur désintérêt pour la pérennisation de la nation (vilain mot), leur arrogance jubilatoire dans la défausse.

Et le meilleur moment de leur faire endosser leurs responsabilités est celui de les représenter aux suffrages des électeurs par une dissolution de la Chambre Basse, maintenant, et au premier prétexte. Le plus probable est l'échec des partis de l'hémicycle à produire un budget exécutable en 2026. Savoir comment les sondages d'opinions pourraient être convertis en sièges est le must du suspense. Quelle que soit la composition de la nouvelle chambre, j'ai hâte !

Nous aurons établi successivement cinq républiques sur les cendres de la monarchie pour en arriver à donner les clés de dépit au "dictateur romain" de la légende frontiste ! Banqueroute en prime !

Est-il utile d'en faire plus sur l'actualité politique ? On me dit dans l'oreillette que le moment est venu d'éditer mon vœu. Celui d'une refondation du paradigme politique et social. Elle seule est capable de valoriser les derniers atouts français pour retrouver dans le monde le rang qui est le nôtre, celui que naturellement les autres pays nous donnent ou nous consentent si nous sommes sérieux. Il ne peut être question de retrouver la puissance de la vieille thalassocratie impériale - au pantographe de la globalisation le pays est devenu petit, à la limite une attraction touristique - mais de renouer avec l'excellence dans les domaines où nous eûmes jadis une réputation.
Il n'est pas inutile de les recenser rapidement : aéronautique et astronautique, architecture, ferroviaire, biochimie et chimie fine, aciers spéciaux, nucléaire, navale, mode et luxe, agro-alimentaire et gastronomie, œnologie, artisanat d'art, tourisme, normes et droits, sans oublier évidemment "la revue", toujours imitée, jamais égalée ; Marie-Claude Jourdain au Panthéon direct, mais rien ne presse, Chérie.

Pour libérer l'innovation, la créativité et les finances associées qu'elles convoquent à leur déploiement, il est impératif de réduire drastiquement l'empreinte de l'Etat. Celui-ci doit se reconcentrer sur ses responsabilités régaliennes qui ne sont pas du tout assumées aujourd'hui, et que nous rappelons pour les plus jeunes de notre lectorat si divers par les cinq doigts de la main :
Haute justice, Sûreté nationale, Armées, Diplomatie et Trésor.

Les autres domaines doivent être gérés au niveau le plus pertinent par le principe de subsidiarité, sans exclusive de mission ni d'étage. Par exemple, le pays doit organiser son système éducatif dans le cadre d'une décentralisation en cascade dont les effets ne seront jugés que par le succès à chaque niveau de responsabilité ; pareil pour la santé (les fondations privées marchent très bien, j'en sais quelque chose) ; un régime national de pensions sera établi sur la base de la retraite par points, système ingénieux transposable dans tous les cas de figure (clic) ; les circonscriptions administratives désignées (région, département, communauté de communes, municipalités) lèveront l'impôt correspondant à leurs missions par le guichet des Trésoreries Générales. Ainsi ne demandera-t-on plus où va l'argent, et les revendications sociales ou catégorielles seront financées par une augmentation des contributions au prix nécessaire. Les assiettes de cotisations fiscales seront dans le visible (facilement contrôlables), nul ne sera laissé pour compte, tout le monde contribuera, même le clodo immatriculé !

L'Etat central prélèvera les moyens de son fonctionnement par l'impôt universel sur les revenus personnels (plus d'exempts, tu dois cent euros, tu paies 100 euros), par une TVA nationale (raisonnable) égalisant la charge fiscale, et par un impôt modéré sur le bénéfice des sociétés. L'Etat central, ramené à ses missions régaliennes, ne sera pas très gourmand en temps de paix. Restera à régler le sort de deux ou trois millions de fonctionnaires surnuméraires, ce qui fait beaucoup sur une population somme toute peu nombreuse (67 millions). C'est un groupe de travail super-balèze qui devra s'y atteler sans jamais prononcer le nom des Kerguelen.

Mais rien ne sera possible si les budgets considérés ne sont pas refondés de zéro à partir des besoins réels constatés ou exprimés, sans la routine des reconductions, passe-droit, coupe-file. Les Suédois y sont parvenus, les Canadiens aussi. Chez nous l'intoxication à la providence est plus profonde mais il faudra y passer quand même.

Changer le paradigme socio-économique est plus qu'une gageure, un risque, celui d'une insurrection générale. Et le problème est surtout que nous n'avons pas d'homme d'Etat capable de créer la confiance dans les couches sensibles de la population. Le vœu de la Toussaint restera donc un vœu pieux, mais nous aurons fait ce petit article de chaque lundi.


Postscriptum : Gabriel Zucman (2025-2025) est né, a vécu puis est mort dans la même semaine. C'est le lot des moralistes qui n'ont jamais produit aucune valeur ajoutée taxable par leur pays mais qui veulent taxer les autres pour garantir leur sinécure.



ALSP !

26 octobre 2025

De la dynamique des corps

Enfant, j'ai vécu en face d'un garage automobile percé dans le rempart de la ville sous la forme d'un tunnel que mes yeux de jadis trouvait fort sombre et long. Deux frères mécaniciens y réparaient les modèles dépourvus de concessions officielles au chef-lieu du département, et c'est ainsi que j'ai passé des heures à bader des marques aujourd'hui disparues qui faisaient encore la fierté de la France, bien qu'elle ait perdu la guerre que les Américains avaient gagnée pour nous.

Les plus fréquentes étaient les Aigles à gros phares de Chenard Walcker qui reprenaient les codes esthétiques de la Ford V8 d'avant-guerre, les imposantes Panhard Levassor à volant central et moteur américain qui fumait bleu, les Hotchkiss Anjou toujours noires à boîte électrique, les Salmson S4 aux ailes joufflues avec un moteur bizarre construit en double culasse. Je suis monté une fois dans une Talbot Lago Baby deux-portes à tomber par terre, avec le siège si bas que je ne voyais pas le long capot. Les vitesses se présélectionnaient et on les engageait à la pédale, m'avaient-ils expliqué. D'après les deux frères, dont j'ai perdu le nom hélas, le critère de qualité d'une automobile était de pouvoir se conduire à cent à l'heure avec une seule main en haut du volant.
Sinon la ville était inondée (déjà) de Renault KZ, Primaquatre, Vivaquatre, Juvaquatre et Frégate, Vedette et Aronde Simca, Rosalie Citroën (à moteur flottant) et Traction avant, de Peugeot 201, 202, 402 et 203, et une petite six-cylindres Rosengart (LR64), celle de mon père. Mais les jours de foire, il y avait encore beaucoup d'attelages à chevaux qui venaient des alentours. Et puis c'est tout ! Le grand Legrand de Souyri venait à pied se fournir au magasin et repartait de même, chargé comme une mule pour deux heures.

Quand on parlait "voiture" à table, les marques à rêver étaient toujours Hispano, Delage, Bugatti, Delahaye, Voisin et finalement Rolls, mais on n'en voyait jamais. Le Plan Pons de réindustrialisation (clic) allait les détruire (pour celles qui avaient survécu à la grande crise et à la guerre) en dirigeant les ressources métallurgiques vers les modèles populaires et le charroi. Le marché de masse ne leur correspondait plus. Toutes les tentatives ultérieures de remonter en gamme échoueront, que ce soit Facel Vega, SM, Monica, Venturi. En fait, la France avait perdu ses motoristes et cette pénurie est irrémédiable.
Faute de moteur moderne en développement, la DS Citroën sortira avec le vieux tourne-broche de la Traction avant. Peugeot montera des arbres à cames latéraux sur ses modèles jusqu'à la 505. Citroën voudra économiser un nouveau moteur pour sa SM hyper-technologique en prenant le moteur en cristal de roche chez Maserati qu'ils venaient de racheter à la famille Orsi ; ce moteur fragile coulera la réputation d'une voiture extraordinaire. Peugeot et Renault-Volvo créeront de toute pièce un V8, raccourci en V6 par le choc pétrolier (le PRV), qui manquait de couple sous carburateurs et buvait en litres son chiffre en chevaux fiscaux. Il faudra attendre 1997 pour voir arriver sous les capots français un vrai moteur V6 doubles arbres et 24 soupapes avec le couple qui va bien et une consommation maîtrisée, mais ça ne pouvait pas être parfait - le chat noir était toujours là ; primant le coût, cet excellent moteur ESL Renault-Peugeot fut monté en position transversale compliquant et renchérissant son entretien. En long, ce moteur écrasait la concurrence. Puis viendra le downsizing général, qui risque bien de tuer nos marques si les actions collectives aboutissent en justice contre ces moteurs de mobylette martyrisés par des turbocompresseurs aux frais du client.

Il y a enfin un défaut d'image incompréhensible quand on connaît la qualité des châssis français et leur toucher de route inégalé. Il faut gagner des courses comme au début du XXè siècle pour nourrir la notoriété, la recette n'a pas changé, et pour ce faire, il y faut des moteurs. Les passionnés ont disparu des états-majors, ne restent que les cost-killers et les directeurs financiers omnibulés par le cours de bourse. Prenons l'exemple de la 407 (clic) :
Sur un châssis de piste avec doubles triangles avant à pivot découplé, ils ont monté sous un long capot très flatteur pour le loup de Tex Avery, un transversal (?!) et comme moteur de milieu de gamme (donc le plus vendu) un 2L poussif, peu en rapport avec le poids élevé du véhicule. La Grande Armée renverra ceux qui s'en plaindront au nouveau V6 plus cher. Les clowns de Top Gear feront une émission spéciale sur ce modèle raté avant même de savoir qu'il était en plus très copain avec le chef d'atelier de la concession de secteur. Ne parlons pas du coupé maison dérivé en plus moche, avec des louvers factices d'aération des freins. Fallait oser !

Mais pourquoi je vous bassine avec la dynamique mécanique des corps ? Parce que leur production est emblématique de la position d'un pays dans l'économie du monde. Nous fûmes avec nos trois cousins anglais, allemands et italiens à la naissance de l'automobile et de son amélioration continue. Jusque dans les années 50, tout ce qui se montait sur une voiture n'importe où dans le monde, Etats-Unis compris, provenait d'un concept développé par la bande des quatre. L'envolée phénoménale de l'industrie américaine hyper-rationnalisée de l'entre-deux-guerres ne changea pas cette hégémonie de l'ingénierie européenne pas plus qu'elle n'entama les volumes de production du vieux continent... jusqu'à ce que la pollution s'en mêle.

Le cycle de combustion à quatre temps c'est Beau de Rochas ; la batterie au plomb, Gaston Planté ; le carburateur, Fernand Forest ; le moteur V8, De Dion Bouton ; les pneumatiques gonflés, les frères Michelin ; le moteur à quatre temps de Rochas, Gottlieb Daimler ; les roues motrices directrices, Georges Latil ; la boîte à train épicycloïdal à présélection (qui sera développée par le major Wilson pour les gros couples), Marcel Viratelle ; la boite de vitesses à prise directe, Louis Renault (inventeur du char FT); la transmission automatique, Gaston Fleischel ; le moteur surcompressé, Rudolf Diesel ; le refroidissement par air, Alexis de Bischop ; le refroidissement par eau, Samuel Brown etc. etc. les Américains surent copier (et voler), comme les Japonais bien plus tard.

Après avoir tenté de guérir le moteur thermique de ses effluves par maints subterfuges comme le GPL et l'éthanol, il a fallu se décider à revenir à la traction électrique (salut, Jénatzy !). Après moult précautions prises en vertu du principe constitutionnel de précaution, par aussi l'appréhension atavique des élites européennes de la prise de risque et par le défaut de surplomb qui nous aurait révélé que l'affaire commençait par les terres rares, le lithium, les batteries embarquées, et surtout faute d'avoir distrait suffisamment de milliards pour financer cette grande reconversion, nous sommes sortis de notre champ d'expertise. Pendant ce temps, la jeune industrie automobile chinoise y est allée de bon cœur, à fond !
Notre marché est aujourd'hui pris d'assaut par les marques électriques chinoises qui, au prix d'une concurrence féroce sur leur marché domestique, proposent des modèles d'avant-garde, attractifs et parfaitement au point. Ce qui était impensable il y a cinq ans, quand on les défiait de passer les tests européens, s'avère imparable. Le tsunami, si redouté à l'époque de l'invasion japonaise d'autos mieux construites que les nôtres, déferle maintenant depuis la Chine populaire.

Que cela signifie-t-il ? Non pas que nous sommes largués, mais que nous sommes à la traîne, handicapés pour tout changement de bord par la frilosité de l'industrie trop encline à l'assistance publique, par la politique des compromis et du juste retour électoral. Et plus généralement parce que notre pays est sous-capitalisé : à force de pointer du doigt le succès et les signes extérieurs de ce succès, le succès est parti se faire admirer loin des envieux et des égalitaristes de la gauche improductive. Il y a de belles réussites françaises à l'étranger ; on ne les cite pas, ce serait du "french bashing" et de toute façon elles restent discrètes - chat échaudé !
A l'inverse, il y a aussi de belles réussites chez nous de firmes étrangères qui nous suggèrent que tout n'est pas fichu si nous voulons nous y mettre pour de vrai, sans attendre l'Etat impotent et jaloux, débroussailler la jungle des contraintes et stigmatiser l'ingérence de la technocratie castratrice. Il n'est pas innocent de constater que la première usine automobile française en termes d'unités tombées des chaînes est l'usine Toyota de Onnaing (Valenciennes). Elle a déjà vingt-cinq ans et a produit cinq millions de Yaris prisées des consommateurs. Ne faisons pas la liste des usines fermées ou reconverties qui accompagne le repli de notre industrie générale. Pour assembler quoi que ce soit ici, nous faisons fabriquer... ailleurs, en bénéficiant heureusement du marché commun.
Et nous ne parlerons pas des associations écologistes qui au moindre projet de chantier industriel ameutent contre lui ses voisins et au-delà, contre ses "nuisances" diverses et variées, si les mêmes qui pétitionnent pour des sous ne refusent pas l'emploi forcément dégradant !

Notre atout fondamental est que nous, Européens, savons encore tout faire et que notre créativité est intacte. Notre aéronautique le prouve, nos fusées Ariane, nos sous-marins à propulsion nucléaire aussi. C'est la liberté d'innovation qui pêche et la pusillanimité des banquiers qui freine les bonnes idées qui partent. S'y ajoute le lest de l'Etat normatif qui ne comprend pas qu'on puisse un jour vouloir se passer de lui. Même mort, il nous fera ch... Parlez librement avec un énarque, un X-Mines ou Pont, même avec un petit techno de SciencesPo, ils vous expliqueront tout ce qu'ils peuvent faire ou ne pas faire pour vous, sans jamais douter une minute que vous ayez recherché leur concours. A la question de savoir comment faire sans eux, ils resteront cois, au seuil de l'angoisse existentielle.

Sans verser dans le libertarianisme de l'Ecole de Vienne (même s'il faut avoir lu ces gens), on peut questionner l'action de l'Etat dans le domaine économique sur les cent dernières années. Le game-changer ce n'est jamais lui ! Si la noblesse républicaine avait l'étincelle de se replier sur le domaine régalien en s'appliquant à y être irréprochable, et si elle abandonnait l'économie aux forces de production, je crois qu'à l'issue d'une cure de désintoxication sociale, nous nous porterions mieux... et serions même capables bientôt de commencer à rembourser la dette honteuse que l'Etat invasif a mis sur la tête des générations montantes pour financer le hamac social et l'armée mexicaine de la fonction publique, celle qui s'est fait voler les bijoux de la couronne.

L'automobile fut la seule vraie victoire de l'Anarchie avec un grand "A". Quand elle aura disparue, pour des tas de bonnes et mauvaises raisons, on s'apercevra de la liberté inouïe qu'elle a apportée à l'époque moderne ; liberté anti-citoyenne pour la bien-pensance de gauche qui veut de toujours et plus encore demain transporter les gens dans un système collectif à sa merci. Dans le roman 1984 de George Orwell il n'y a pas d'automobiles. Peut-on finir sur un vœu ?
On me dit non dans l'oreillette. Ce sera pour une prochaine fois.

Roulez bolides !

ALSP !