14 décembre 2025

En attendant l'hiver

Profitant du redoux, j'ai décidé la semaine passée d'émonder le grand figuier d'en haut dont les branches se reposaient par terre après leur fructification généreuse. Au débit de bois d'hier pour mettre au poêle dans deux ans, j'ai découvert combien sa croissance l'avait torturé, au point de tendre l'oreille pour entendre ses remerciements. On dit les arbres sensibles en ce qu'ils rayonnent comme toute matière et font varier cette intensité. Je suis prêt à le croire au spectacle du gui que l'on pend au lustre et qui dans la journée fait plier toutes les plantes du salon qui cherchent désespérément à s'éloigner de lui. Faites l'expérience. Sinon que dire ? La journée de mardi fut si douce qu'une rose a décidé d'éclore pour en profiter. Elle est encore bien vivante sur mon piano mais c'était un triste anniversaire auquel elle est venue.
Les deux pieds de vigne sont taillés à trois yeux, les pruniers aérés avec prudence, ne reste que les rosiers que je veux rabattre plus bas que l'an dernier et la sauge médicinale qu'il faut partout contenir tant elle a de vigueur. Ceci dit, l'hiver est dans six jours et bien malin sera celui qui le prédira aux tisons ou au balcon. Même Météo France hésite. Fin des Géorgiques de la semaine. Que savez-vous du projet stratégique de Trump nous concernant ?

On lit beaucoup d'analyses déroulant les conséquences de cette haine subite à notre endroit, sans trop s'attarder d'ailleurs sur l'écho qu'elle peut avoir dans la sphère post-fachiste chez nous et en Allemagne, à énoncer des vérités primaires qui n'en sont pas moins des vérités, sur la créolisation et le contrôle social surtout. Par paresse peut-être, on cherche moins à comprendre le Grand Condor, même s'il est osé de prétendre extraire un fil conducteur de sa sénilité montante. Mais quand même ! Allons aux fondamentaux américains en éliminant d'entrée un épiphénomène au sens littéral qui est la corruption en costume de toute la famille d'Or, avançant vers sa fortune immense en voie de constitution avec ses affidés, gendre et malins de la onzième heure qui ne rêvent que d'argent, d'argent, d'argent.

Les Etats-Unis d'Amérique sont la puissance écrasante du Nouveau Monde. Ce continent devrait suffire à réaliser toutes leurs ambitions. Historiquement ils contrôlent plus ou moins l'Amérique latine selon la doctrine Monroe-Roosevelt afin de ne pas avoir d'ennemi à leur porte. Trump opère les rectifications nécessaires au contour de son hégémonie et va sans doute y arriver au Venezuela, en Colombie et sur toute la côte pacifique jusqu'en Patagonie. Le Brésil est au programme, Bolsonaro peut être sauvé des griffes du vieux populiste corrompu (son fils se présente aux élections).

Normalement les Etats-Unis n'avaient pas besoin de s'intéresser jadis ni à l'Europe, ni à la Chine. Nous les avons appelés deux fois mais la première, ils avaient actionné l'élastique pour rentrer chez eux l'affaire pliée. La seconde fois, l'Europe occidentale les a suppliés de s'investir dans la défense du vieux continent jusqu'à donner leur garantie nucléaire contre l'Union soviétique. De l'autre côté, ils n'étaient pas allés plus loin que quelques centaines de convertisseurs apostoliques qui sillonnaient la Chine impériale, jusqu'à ce que l'Empire du Japon soit étranglé par des sanctions économiques sévères pour sa guerre d'une sauvagerie inouïe en Chine, et les attaque à Pearl Harbor. On peut dater de cette bataille la naissance d'une ambition mondiale de Washington. Aujourd'hui ça leur coûte un bras sinon deux, et seul le privilège d'émettre la monnaie de réserve mondiale leur permet d'assurer leurs positions. Pour combien de temps ?

Il faut bien comprendre avant de continuer qu'il est parfaitement exclu aujourd'hui que Washington troque Chicago, San Francisco ou Miami contre Copenhague, Strasbourg ou Osaka. L'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord est réduit aux limites du texte exact (clic), il se liquéfie, la dissuasion américaine est morte en Europe, elle n'existe encore que dans les powerpoints d'état-major. La même question se pose à la nôtre, mais ce n'est pas le sujet.

Pour nous abandonner à notre sort peu enviable, ce vieux verrat aux couilles plates qu'est le président des Etats-Unis d'Amérique a choisi l'insulte pour nous chosifier. Qui pouvait penser qu'il nous détestait à ce point ? Son complexe d'inculte peut-être ! Le tropisme mafieux de sa famille sinon, qui jette l'anathème contre sa proie pour se donner un motif d'attaquer ? Heureusement qu'il en dit plus qu'il n'en fait et il se lasse vite. Sa fenêtre de conscience étrécit chaque jour un peu. Il radote, hésite, cherche ses phrases et ne lui viennent à la bouche que les gros mots d'un charretier du Bronx. Ses adversaires sont faillis, corrompus, moches ou laids s'ils sont des femmes, Biden, ce "fils de pute endormi" (sleepy son of a bitch) etc... C'est sa nature première qui ressort, celle d'un porc. Provoquera-t-il un sursaut des pays européens ? Mark Rutte, SG de l'OTAN y appelle, qui le connaît et s'en méfie. J'en doute pour la France, empêtrée dans son théâtre diplomatique et au-dedans dans une république impécunieuse et vermoulue. La seule voie pour nous arracher au déclin, sans attendre encore l'Europe, c'est de retourner le hamac social et d'en faire tomber deux millions d'allocataires non cotisables (et je ne parle pas des chômeurs indemnisés) puis d'augmenter significativement la durée de travail. Un pays de 30 millions d'actifs seulement ne peut pas se défendre dans la compétition mondiale avec 2 millions de gens payés à rien foutre ! Quoi faire des deux millions ?
Avez-vous vu l'état des routes en France ?

Donc le sursaut se fera obligatoirement car la vieille Europe ne peut rester à "ciel ouvert" mais pas chez nous. Vraisemblablement en Allemagne et en Pologne ; quant aux pays scandinaves, c'est déjà commencé. De toute façon lors du G7 de Taormina en 2017, Angela Merkel avait commenté les objurgations de Trump I en affirmant qu'il fallait désormais changer de paradigme de défense. Elle ne comptait plus sur les Etats-Unis. La première réaction européenne au défi trumpien pourrait être le gel indéfini des fonds souverains russes séquestrés en Europe occidentale, qui vient d'être décidé à la majorité qualifiée au titre de l'article 122 du Traité FUE. Ce gel sine die les préserve d'une prédation américaine annoncée par Trump qui en veut 50% pour se rembourser de ses efforts sous couvert de reconstruction. Le second mouvement européen est une posture offensive et bientôt agressive contre la Russie dans le domaine des cyberattaques menée par l'Allemagne. Les fermes à trolls russes sont certainement géolocalisées. On verra. Reste à faire tomber les drones sans idée de manœuvre pour identifier les fréquences et l'origine des émissions de pilotage. Si c'est satellitaire, pas besoin d'embêter Momo la Bataille qui se prend pour le Rambo des hélices, c'est les Russes, sinon les Russes.

Dans deux ans, faute de capacités industrielles de défense tout simplement, nous serons comparativement déclassés dans le domaine de la guerre, ce n'est pas faute d'avoir fait illusion ; mais tous les pays européens se souviennent encore d'avoir été embarqués au Sahel par M. Macron jusqu'à ce que l'armée française, largement sous-calibrée pour l'enjeu, plie les gaules à première demande ; et ces renforts d'être rentrés chez eux avec un pouce dans le cul. On ne les y reprendra pas. Oublions donc le majorat français cher à notre président. Nous ne donnons pas confiance.

L'autre question très irritante de la semaine passée est la célébration des lois de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905. Cent vingt ans déjà ! Les plateaux ont dégouliné de moraline et de liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer, jusqu'à parler de lois garantissant notre liberté de conscience. Quelle foutaise !

La brutalité de la mise en application de ces lois à l'époque où l'on fit donner la troupe contre les congrégations, indiquait plutôt une prise de pouvoir par les loges maçonniques que la libération des esprits captifs. Il fallait aux politiques aplanir l'obstacle du magistère catholique qui pouvait critiquer les nouvelles orientations mercantiles et sociales en se servant des masses subjuguées. D'ailleurs, aujourd'hui encore, les assignations de la Libre Pensée Départementalisée contre les croix, les calvaires, les crèches ou les statues mariales ne recherchent pas une liberté de conscience mais l'autorité d'un ordre athée maintenu par la force publique. Evidemment on ne les a jamais entendu rouspéter contre les prières de rue de nos concitoyens musulmans parce que l'islam a un totem d'immunité à gauche. Ce pays est de tradition catholique malgré tout et ces messieurs les "esprits forts" devront se résoudre à l'accepter sauf à se prendre un jour une branlée mémorable de la part des masses laborieuses et démocratiques excédées par les pisse-vinaigre de la laïcité honteuse.

Je termine sur l'interview que Xavier Tytelman a obtenue de la directrice technique de Fire Point*, la start-up ukrainienne open-source qui produit le missile de croisière Flamingo à partir de rien : mille kilos de brisant à trois mille kilomètres ! Vous serez étonnés par le génie humain dès qu'on le débarrasse des chaînes de la bureaucratie :

***Xavier Tytelman chez FLAMINGO***


* Fire Point a été fondée mi-2022 par un groupe d'ingénieurs, d'architectes et de concepteurs de jeux vidéo souhaitant développer des systèmes aériens sans pilote rentables et performants pour soutenir l'industrie de la défense ukrainienne. Initialement implantée dans des ateliers de fortune, l'entreprise a rapidement développé plusieurs sites de production clandestins à Kiev et dans les régions environnantes (Wiki dit).

ALSP !

07 décembre 2025

D'Etat un coup le faut (Yoda)

Au moment où la guerre d'Ukraine entre dans sa phase finale et sans qu'il soit dit encore de quel côté l'arbre de la paix tombera, surtout avec la trahison rampante de l'Administration américaine dont M. Macron a eu la présence d'esprit de prévenir Volodymyr Zelensky avant qu'il n'entre en piste, le parlement français s'étripe dans un combat de chiens autour des ancillaires dans la seule optique d'améliorer la position de chacun sur le tableau des sondages présidentiels pour 2027. C'est la foire aux taxes au marché de Noël républicain ! L'étude annuelle Fractures françaises 2025 du CEVIPOF révèle un rejet croissant des Français envers tout leur écosystème politique, illustré par la confiance envers la présidence de la République qui tombe à son plus bas niveau (22 %), soit une chute de vingt-deux points depuis l’élection présidentielle de 2017. Les partis politiques restent eux-aussi massivement rejetés, avec à peine 10 % de confiance, un étiage jamais constaté. Pour qui se prennent-ils donc ? Faut-il en dire plus ?

Nous avons eu et la conservons bien au chaud, la droite la plus bête du monde, il nous manquait l'hémicycle des parfaits incompétents irresponsables qui par bêtise nous mettent en grave danger. C'est fait. L'Assemblée nationale a voté vingt milliards d'euros de déficits pour la Sécurité Sociale l'an prochain. Nous sommes au complet pour disparaître des livres d'histoire. Comme le disait ailleurs le docteur Pons, les nations sont tout autant mortelles que les civilisations d'antan, enfouies aujourd'hui sous le sable de leur grandeur. La France régresse comme jamais elle n'a reculé, son capital humain s'enfuit déjà alors que la guerre continentale ouverte n'est pas encore déclenchée. Imaginez l'exode au premier pétard mouillé !

Je vois dans la presse qu'un médiat anticapitaliste assumé cherche des noises à Bernard Arnault qui a quand même réussi à construire un empire du luxe mondial en restant dormir à Paris, au seul motif qu'il est trop riche. Enquête habituelle d'insinuations d'Elise Lucet. Je me dis qu'il n'est pas le premier à subir l'opprobre des impuissants vautrés dans le hamac social, mais qu'il pourrait par contre être bientôt le dernier dans la tenaille de l'envie si ses homologues richissimes décident subitement de prendre le train avant la fin de son procès médiatique. Alors mon petit fleuriste de la Rue des Moines m'interpellera d'un bonjour pour savoir à qui vendre ses fleurs. C'est une image et pas une thèse sur le ruissellement.

Radotons ! Depuis la Révolution française, l'Etat s'épand en tache d'huile, continûment, chaque régime - et nous en avons eu beaucoup - augmentant son champ de compétences au-delà de celui qu'il a trouvé en entrant, laissant croire que ce nouveau roi, qui ne dit jamais son nom, était la solution à tous nos défauts. Et beaucoup de gens le croient sincèrement, les appels quotidiens à légiférer contre le moindre dysfonctionnement de notre société le prouvent. Las, c'est exactement l'inverse dont la nation a besoin. La prise en charge individuelle généralisée jusqu'à la conjonction de groupes plus à même d'atteindre l'objectif nécessaire qu'un individu seul. C'est le principe de dévolution par empilement des pertinences. Nous n'y revenons pas.

La seule chance de survivre pour notre nation tient moins à la purification ethnique à laquelle tout le monde pense sans jamais oser la réclamer, qu'à la préservation de l'essentiel, voire sa sacralisation. Et cet essentiel pour la nation, qui n'est pas propre au régime du moment, c'est le domaine régalien et ses cinq doigts qui se ferment comme un poing (clic). Il devient urgent d'arracher le domaine régalien à la dispute démocratique qui est une notion obsolétisée par le rééquilibrage stratégique mondial quand elle sort de ses gonds intérieurs. Dans la pratique il faudrait rompre l'attelage des domaines régalien et public pour autonomiser deux politiques parallèles, l'une immuable défendant les fondamentaux de l'Etat-nation, l'autre évolutive et amendable au gré des circonstances et des grés justement. Pour ce faire, il sera indispensable de débander toute la classe politique rationnaire à vie de la République et de revoir l'organisation du consentement aux étages pertinents, ville, province, Etat et peut-être un jour confédération.

On en vient donc au démontage de l'édifice en grave défaut qu'est l'Etat français invasif, pléthorique, autoritaire et maladroit. Dans ce pays de libertés qui s'en vante par toute la planète, il est interdit d'en parler au fond. C'est la fiche et le gnouf ! Alors quoi ? Mettez-vous dans la tête qu'en l'état des choses, nous n'arriverons jamais à rien, ne rattraperons personne, et que la curatelle du Fonds monétaire international commence à s'inscrire en lettres vacillantes sur l'horizon de nos insuffisances. Mais on peut feinter l'idéologie imposée en citant des poètes disparus - ça fait genre - même comme Charles le Sulfureux qui dans l'Enquête écrivait :

« L’autorité en haut, en bas les libertés, voilà la formule des constitutions royalistes. L’absurde République une et indivisible ne sera plus la proie de dix mille petits tyrans invisibles et insaisissables ; mais des milliers de petites républiques de toute sorte, républiques domestiques comme les familles, républiques locales comme les communes et les provinces, républiques morales et professionnelles comme les associations, s’administreront librement, garanties, coordonnées et dirigées dans leur ensemble par un pouvoir unique et permanent, c’est-à-dire personnel et héréditaire, par là même puissant et sage, étant intéressé au maintien et au développement infini de l’État. »

Pour bien commencer donc, lecteurs comptez sur vous, sur votre propre république !

L'autre sujet n'en est pas un. C'est la visite d'Etat des Macron en Chine populaire. Le protocole s'est mis en quatre pour noyer sous des amabilités le déclassement inéluctable du cinquième membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies. A la requête fort louable du président Macron de peser à Moscou sur le plateau de la paix, le président chinois a opposé un refus catégorique lors du point de presse, ce qui en diplomatie frise le "vent". Il fait part égale des responsabilités réciproques et dit s'y tenir fermement. Ses mots exacts furent : « La Chine soutient tous les efforts pour la paix et continuera à jouer un rôle constructif pour une solution à la crise ; en même temps, elle s’oppose fermement à toute tentative irresponsable visant à rejeter la faute ou à diffamer quiconque ». Ce qui signifie qu'elle veut ignorer la politique russe de destruction systématique de son voisin dans ses villes, ses utilités et sa population, sans parler des crimes de guerre parfaitement documentés. Ce qui signifie aussi qu'elle mettra son veto au Conseil si la Russie est inquiétée. Sans faire un cours de morale, se prendre cette réponse en pleine face et publiquement nous laisse mesurer par cet épisode la hauteur de la marche que nous avons descendue. On continue ? de descendre.

ALSP !

30 novembre 2025

Esprit de Salomon es-tu là ?

« Je suis un narcisse des champs, un lys des vallées. Comme un lys au milieu des épines, telle est mon amie parmi les jeunes filles. Comme un pommier au milieu des arbres de la forêt, tel est mon bien-aimé parmi les jeunes hommes. J'ai désiré m'asseoir à son ombre, et son fruit est doux à mon palais. Il m'a fait entrer dans la maison du vin ; et la bannière qu'il déploie sur moi, c'est l'amour. Soutenez-moi avec des gâteaux de raisins, fortifiez-moi avec des pommes ; car je suis malade d'amour. Que sa main gauche soit sous ma tête, et que sa droite m'embrasse ! Je vous en conjure, filles de Jérusalem, par les gazelles et les biches des champs, ne réveillez pas, ne réveillez pas l'amour, avant qu'elle ne le veuille...» (amorce du deuxième cantique de Salomon)

En notre ère de pourriture, béni soit le poète, le seul à nous faire souvenir que l'espèce humaine n'est pas que crimes et défauts. Pensait-il à la Reine de Saba, ce fils de David, quand il gravait son parchemin, lettre à lettre, à l'encre de charbon de bois, le cœur noué d'amour en écoutant le rire du harem jouant autour de la fontaine murmurante ? Ce qui ressort du Cantique est le temps suspendu, comme une éternité dès qu'on se défait de la vanité addictive. Où que nos regards se portent aujourd'hui, le sang jaillit, d'où que le vent vienne, il apporte l'odeur du choléra dysentérique, la puanteur référente. Ne faites pas votre inventaire, vous pourriez en tomber malades.

Pourquoi le Cantique des cantiques dans son érotisme explicite fut-il agrégé au Tanakh, après bien des débats dans les cercles hébraïques ? Parce qu'il consacre la divinisation de l'amour âme et chair. Parce qu'il est l'ombre chinoise de l'amour que Dieu porte à sa création, du moins c'est ce qu'ont trouvé les savants. Mais il condamne en retour l'absence d'amour et in fine la chasteté, mettant en porte-à-faux le principe de célibat des prêtres catholiques. C'est donc une affaire grave, si grave d'ailleurs que tous les conciles depuis le premier à Elvire (Grenade) en 305, l'avaient à l'ordre du jour. C'était déjà un peu tard, si on y réfléchit bien, par rapport à la catéchèse du Christ en personne qui n'a jamais tranché la question, pas plus que saint Paul qui s'en approche dans une épître au Corinthiens en canalisant le désir dans le mariage, mais qui ne bloque pas la question comme le feront plus tard les conciles médiévaux submergés par le concubinage général du bas-clergé. Concubinage accepté souvent par les prélats du fait que la fornication matrimoniale produisait moins de désordres sociaux que l'amour libre. Que dire de la paix des villages quand l'autorité locale incontestée était un célibataire, un homme dans toute sa force en ses désirs refoulés ?

Ego flos campi et lilium convallium. Sicut lilium inter spinas, sic amica mea intr filias. Sicut malus inter ligna silvarum, sic dilectus meus inter filios. Sub umbra illius, quem desideraveram, sedi, et fructus eius dulcis gutturi meo. Introduxit me in cellam vinariam, et vexillum eius super me est caritas. Fulcite me uvarum placentis, stipate me malis, quia amore langueo. Laeva eius sub capite meo, et dextera illius amplexatur me. Adiuro vos, filiae Ierusalem, per capreas cervasque camporum, ne suscitetis neque evigilare faciatis dilectam, quoadusque ipsa velit...(la traduction est au-dessus)

Les affaires de mœurs n'ont jamais disparu de l'Eglise catholique, mais aujourd'hui où l'effectif du clergé est à l'étiage, elles sont plus visibles et carrément condamnées dans l'opinion. Vivre au XXIè siècle "dans le siècle" convoque au-dessus de chaque clerc une forme de surhumanité pour résister aux tentations toujours plus pressantes, tant et si bien qu'on ne doute plus que des curés soient en ménage comme leurs ancêtres du Moyen Âge. Combien y en a-t-il est difficile à savoir, les partisans du célibat, tous des hommes, minorent les estimations, les femmes les majorent. Il existe même une association des femmes de curés qui s'appelle Plein Jour et qui est domiciliée dans le département le plus "avancé" dans la pratique du droit naturel, les Pyrénées atlantiques.

Qu'est-ce à dire pour l'avenir ? La survie du christianisme viendra de la jeunesse. Pélés et jamborees nous montrent qu'ils sont moins friands de droit canon par la lecture des décrétales que d'engagement sociétal dans le cadre plus général de la réparation des injustices, tant celles de conditions d'existence que celle des capacités personnelles à les affronter. La charité est une tradition ancestrale, comme dans toutes les religions, mais l'institution catholique met en culture la misère, en prend soin, favorisant le soulagement de la peine à son traitement préventif. Dans cet élan caritatif et humanitaire, l'ordination de prêtres en nombre suffisant pour encadrer une ressource en augmentation de croyants plus exigeants que leurs aînés ne pourra faire l'impasse de leur mariage et de leur genre. L'hostilité à cet aggiornamento tant attendu se fonde sur des pratiques d'ascèse qui ne peuvent se maintenir dans la vie de tous les jours hors des clôtures monacales ; quant aux refus des femmes par les Monsignori, il pêche comme le célibat d'une absence criante de décision de la part du Christ en personne. A ce que nous disent les Evangiles, il vécut entouré de femmes et de disciples, mais de femmes surtout. Et si l'on en croit le suaire, il était assez beau gosse aussi. Qu'à son époque, les femmes aient eu un statut social décalé par rapport aux hommes - c'était des Hébreux quand même - ne peut les discriminer de la prêtrise puisqu'à aucun moment il ne les proclama inaptes. S'il choisit douze apôtres hommes c'est aussi parce de force il pouvait avoir besoin et peut-être aussi - c'est une thèse personnelle - parce que les hommes étaient plus influençables que les femmes, donc plus disciplinés, moins discutailleurs. Marions donc les prêtres et ordonnons les femmes. L'effectif remontera dans la quiétude des instincts apaisés.

Difficile pour finir de passer à côté d'un principe manichéen qui est, à mon avis, l'encouragement le plus fort à tolérer la "bête" humaine dans un schéma évolutif : pour les Parfaits, aucun homme n'est au même stade d'évolution vers l'expiation finale à travers ses vies successives. En fin de process, ceux qui ont abouti à l'expiation considèrent le désir comme un péché abominable contre l'Esprit, source de la connaissance émanée ; alors que ceux qui n'en sont qu'au début éprouvent cette tentation naturelle comme d'autres la faim ou la soif. Dépendant de la Matière gouvernée par l'instinct (bestial), ils doivent être accompagnés par le pardon vers leur amélioration. Il faut avoir pitié de ceux qui « brûlent » comme on disait alors, et compter sur l'émoussement de la libido qui transmue la passion en amitié et l'amour physique en chasteté de fait. Le Bien et le Mal ne s'affrontent pas, le premier peut dissoudre le second. Fin de l'aparté cathare.

Mais de poètes, nous avons aussi les nôtres. De qui est ce joli sonnet ?

« Je veux mourir pour tes beautés, Maîtresse,
Pour ce bel œil, qui me prit à son hain,
Pour ce doux ris, pour ce baiser tout plein
D’ambre et de musc, baiser d’une Déesse.

Je veux mourir pour cette blonde tresse,
Pour l’embonpoint de ce trop chaste sein,
Pour la rigueur de cette douce main,
Qui tout d’un coup me guérit et me blesse.

Je veux mourir pour le brun de ce teint,
Pour cette voix, dont le beau chant m’étreint
Si fort le cœur que seul il en dispose.

Je veux mourir ès amoureux combats,
Soûlant l’amour, qu’au sang je porte enclose,
Toute une nuit au milieu de tes bras. »


ALSP !