Avertissement
Dans cet article, il n'est pas question de s'exiler au Montana pour élever les bœufs musqués dans les Rocheuses en complète autarcie. On reste dans la civilisation, en Europe occidentale, et on en endure les tracas administratifs. L'homme est un être social qui recherche la compagnie de ses congénères. Vivre Off Grid est donc contre-intuitif. C'est l'expression consacrée pour une habitation hors-réseau ; avec des gradations bien sûr selon les réseaux considérés. Nous allons construire aujourd'hui une maison autonome, mais d'abord quels sont-ils ces réseaux ? Les voici sans idée de manœuvre, sans hiérarchisation :
- Adduction d'eau
- Electricité basse tension
- Branchement gaz
- Collecte ordures ménagères
- Assainissement
- Approvisionnement en vivres
- Téléphone filaire
- Circuit de courrier
- Internet
- Secours médicaux ou consultations
- Carte scolaire
- Communauté religieuse
- Pompes funèbres
Les abords
Au lieu de développer chacun des réseaux ci-dessus, ce que tout lecteur de ce blog est capable de faire sans qu'on lui tienne la main, nous allons imaginer déjà les conditions d'installation d'une maison sans compteurs parce que s'en dispenser est vraiment le commencement de l'aventure. Le premier souci est la ressource en eau. La première bonne idée est de chercher une ruine quelque part, reculée, qui n'a pas été construite là par hasard. La constructibilité du terrain est aussi un paramètre décisif. C'est souvent un point d'eau qui a décidé de son emplacement. Fonds de vallon, flancs de colline seront explorés. Ce n'est pas de la source de Jean de Florette qu'il s'agit mais d'une production régulière tout au long de l'année. Si les variations saisonnières sont importantes on peut installer des citernes (au moins deux en cascade), si possible enterrées, mais c'est beaucoup de travail. D'où l'intérêt de la ruine qui signale une ressource ayant existé et d'utiles trouvailles après le débroussaillement. Il saute aux yeux qu'un terrain en pente permettra une alimentation par gravité, d'abord à travers les filtres à charbon de bois, puis dans le réseau domestique classique. D'un puits il faut remonter l'eau au seau à corde.
L'autre environnement favorable est le ruisseau si on parvient à bien connaître son amont et les droits d'eau attachés à la propriété. Si le débit permet d'entraîner des micro-turbines on gagnera beaucoup de temps pour la suite. L'utilisation de toute eau naturelle exige de l'analyser régulièrement. On trouvera des kits d'analyses dans le commerce spécialisé et c'est assez cher.
L'eau qui entre chez vous en ressort.
Mais préalablement vous aurez passé le permis de chasse.
Achetez une carabine double-express combinée d'occasion ; on les a pour la vie. Et un douze classique mais juxtaposé pour les "peaux fragiles". Vous voilà prêt.
Un bon système d'assainissement est indispensable à la salubrité des lieux parce que vous êtes assez loin des secours et que la santé sera un souci constant. Il existe plusieurs solutions mais la cascade de bassins d'épuration plantés est à étudier si on dispose de l'espace en aval de la construction. Un critère important est de calculer le système choisi pour un entretien à votre portée et de le surdimensionner afin d'éviter l'intervention d'une pompe à merde qui est hors de prix, surtout avec les frais de route si vous êtes retirés. Avant de construire la maison elle-même il vaut mieux avoir réglé, voire même construit, les deux systèmes d'alimentation et d'épuration.
Va se poser tout de suite la question de loger sur place pour gagner du temps et de protéger outils et matériaux. Une caravane de réforme semble être la solution transitoire idéale, à condition de la faire disparaître à la fin.
La maison
Selon le climat de votre exil, vous pouvez partir sur une construction légère de type tropical sur pilotis peut-être, ou bien sur une construction lourde et basse encaissée. Le mauvais choix est de refaire un pavillon Phénix adapté. En anticipation de la plongée du Gulf Stream qui va glacer l'Europe occidentale, nous érigerons la seconde même si la case perchée au-dessus de l'étang, genre carrelet girondin, est plus sympa surtout s'il y a du poisson.
Comme conseillé à l'occasion de l'article Cadet Rousselle, l'idéal est de poser une maison lourde (murs et cloisons) sur le sol décaissé afin de bénéficier de la régulation thermique qu'il apporte au projet. C'est cette isolation des éléments extérieurs qui va tout conduire. Avec le dérèglement climatique qui nous apporte de belles calamités naturelles, il est logique de revenir aux maisons trapues des pays à vent. Les murs seront montés avec les matériaux disponibles sur la propriété ou pas loin, que déjà on va parler de transport.
Aussitôt la façade terminée, il faudra y planter un rosier grimpant près de l'entrée. Il signifiera que la maison est vivante.
La locomotion
Pour construire il faut transporter, même s'il ne s'agit que de remonter des galets de la rivière. Les sacs de pulvérulents, les matériaux de bardage ou de couverture, le ferraillage exigeront l'usage d'un pickup, c'est le plus pratique. C'est plus tard qu'on pourra revenir à une philosophie d'Amish avec cheval et carriole après avoir construit l'écurie.
La fée électricité
Pour avoir vécu sans courant en campagne, je sais la valeur ajoutée du courant électrique sur la conservation des denrées, bien plus que ce qu'il apporte en éclairage. Il y a trois sources possibles hors-réseau : l'hydroélectricité par micro-turbines ou par la roue du moulin ; la pompe à vent du farwest qui tirera l'eau du puits en même temps qu'elle fera tourner une génératrice ; le solaire photovoltaïque en zone ensoleillée.
L'intercommunication
Se relier au monde sera indispensable dès lors qu'il s'agit d'une famille : la parabole s'impose. Pour le téléphone portable, y a-t-il du réseau ? Peut-on appeler les secours ? Existe-t-il une solution de rechange à proximité ? Nous ne traiterons pas du défi scolaire sauf à vous prévenir que tous les parents ne sont pas doués pour l'école à la maison et que ce défaut peut produire des cancres terribles. C'est un protocole exigeant qu'il faut mettre en place et qui doit être accepté par tous. On n'a pas parlé de l'environnement hors-compteurs.
Ancillaires et santé
Il faut traiter convenablement les ordures produites par la vie de la maison. Un compostage sérieux s'impose, et qui fonctionne bien. Question santé, à moins d'être de la profession, il est extrêmement risqué de vivre en autarcie sur ce plan. La santé par les plantes est une activité de vieille fille à chat. Vous devez donc être couvert par l'assurance-maladie et donc vous déclarer d'une façon ou d'une autre. Il est pratiquement impossible en France de vivre en totale autonomie. D'ailleurs la Gendarmerie y veille qui viendra vous voir un jour sans faute pour vous connaître. Donc, il leur faudra savoir quel métier vous exercez. Evitez les contrôles sanitaires en vous fixant sur l'activité libérale ou l'artisanat.
la production potagère
Ne refaisons pas ce qui a été déjà fait et bien fait. Voici le lien d'une page qui propose toutes les solutions : www.lesentreprisesdupaysage.fr/les-entreprises-du-paysage/inspirations-jardins/creation-de-jardin/les-styles-de-jardin/le-jardin-potager.
Nous en citons les titres :
- Le jardin potager traditionnel (le plus casse-dos mais bon !)
- Le jardin potager en carrés
- Le jardin potager surélevé
- Les plates-bandes potagères
- Le potager-fruitier
- Le potager mandala (permaculture)
- Le potager en lasagnes (compost)
- Le potager vertical
La production protéinique
La première chose qui vient à l'esprit du paysan caché en chacun de nous c'est la basse-cour et les clapiers.
Poules, canards, oies, dindes, pintades (désailées) formeront le gros de la troupe qu'il faudra nourrir et protéger du goupil et autres saigneurs mustélidés.
Selon la taille de la famille, on peut aussi envisager quelques chèvres à fromage et chevreaux de Pâques. Des moutons ne se justifieront que si vous avez du débouché soit en fromage soit en viande, mais il faudra passer par l'abattoir et la Mutualité sociale agricole (oubliez !).
Le chien
Toute cette ménagerie ne pourra vivre sans chien. Un vrai chien qui garde son chez-lui. Si vous êtes en zone insécure, choisissez le Komondor blanc qui est insomniaque et qu'on voit bien la nuit, ce qui évite de l'abattre à la place du coyotte. Sinon en zone calme, on manœuvrera plus facilement un couple de labrits à condition de les dresser. Les deux espèces sont des gardiens de troupeau donc habituées aux animaux domestiques. Il y aura aussi un chat (siamois) pour réguler les rats, souris et autres mulots informatiques.
le baptême
Tout commencera par un nom. Si la "ruine" en avait un, reprenez-le sauf s'il a mauvaise presse au bourg, mais veillez à ce qu'il soit bien adapté à la situation du bien. Connaître le patois local peut aider à éviter le contresens. L'Impéride n'est pas un parangon de résilience mais "L'Ingrate" d'imperitus. Encaissé au fond d'un vallon, on ne le nommera pas "Les Parades" mais plutôt La Bégude ou La Fons. Du Midi, vous avez tout compris, les autres prendront le train.
Si on parlait de travail ?
Même en autarcie, on a besoin de monnaie. S'il est avisé d'avoir un vrai métier, toute activité choisie doit viser à remplir une caisse. Je pense que la première démarche doit mettre en balance ses appétences et les besoins du marché, en tenant compte des "ravages" de l'intelligence artificielle qui, à l'horizon de dix ans (il fallait un chiffre), va mettre en décharge un foule d'emplois devenus obsolètes ou trop chers. A titre d'exemple, un vrai métier qui peut s'exercer partout parce que ses clients ne parlent pas : vétérinaire. Mais aussi des métiers muets comme boulanger ou tueur à gages (Léon). Evitez le fromage de chèvre et la poterie, les débouchés sont rincés. Mais si vous avez une bonne connexion Internet et de bonnes bases (ça s'apprend), vous pouvez envisager la bourse en trading quotidien ; compter une heure chaque matin après la traite. Je ne parle pas d'investir pour vos vieux jours, mais de stock trading pour abonder un compte dans lequel vous pourrez puiser tous les mois.
Si vous avez des dons de pédagogie, vous pouvez aussi raconter chaque jour la progression de votre aventure sur les réseaux sociaux à tous ceux qui en rêvent et ne le feront jamais. Les réseaux rémunèrent l'audience si elle est forte. Reste sinon pour ceux qui ont un côté glamour et musculeux à intégrer une troupe de chippendales, une profession étanche à l'intelligence même artificielle.
La retraite
C'est la fin de l'histoire, tout simplement. Vous rejoignez la horde et subissez sa compassion. Si elle vous nourrit quand vous n'avez jamais rien cotisé, estimez-vous heureux "comme Dieu en France", disaient les Fritz. Pour les sépultures en propriété privée, c'est assez difficile même après le passage du docteur et des gendarmes ; si vous trouvez encore de vénérables tombes moussues dans certains champs, ce sont celles de poètes ou de protestants ; quelquefois d'originaux antiques retirés du monde. Ne vous y glissez pas, édifiez la vôtre en miroir avec une superbe épitaphe :
[ J'avoue, c'est l'enfer ! ]
L'article suivant devrait entrer dans les calamités pour aborder le survivalisme, la panic room et le bunker étanche en surpression sous le garage comme à Fordo. Mais nous vous l'épargnerons. Si déjà, vous pouvez vous essuyer avec les factures de l'EDF, ce sera un must.
Epilogue et somme
Ce n'est ici que du bon sens.
Apprendre un métier d'abord, quand l'affaire sera lancée, elle prendra tout votre temps.
Construire un plan de progression sur la base d'un site choisi. Il vaut mieux fixer ses idées sur du concret.
Commencer l'histoire par la maison hors-compteurs en débutant par l'eau (entrée et sortie).
Ne pas se couper du monde dans un délire romanesque car nous ne vivons plus en tribu et avons besoin de soutien.
Rester sur le qui-vive pour prendre un chemin non attendu qui se découvre lors de la progression.
Enfin, prendre le temps de la réflexion sur un mode pessimiste et agir avec enthousiasme une fois décidé. S'il est difficile de faire, il l'est plus encore de refaire !
Savoir laisser tomber quand on a présumé de ses forces.
ALSP !
Ressources :
- https://www.ecohabitation.com/guides/2547/le-fonctionnement-dun-systeme-micro-hydroelectrique/
- https://www.hydric.fr/wp-content/uploads/2019/09/FR_Quels-sont-et-comment-choisir-les-turbines-PowerSpout_V4_oct18.pdf
- https://www.neozone.org/innovation/une-entreprise-bretonne-invente-des-micro-turbines-hydrauliques-adaptees-aux-moulins-et-petits-cours-deau/
- https://www.quelleenergie.fr/economies-energie/panneaux-solaires-photovoltaiques
- https://www.josmose.fr/blog/118-les-eaux-usees-et-leur-traitement
- https://www.suezwaterhandbook.fr/eau-et-generalites/processus-elementaires-du-genie-physico-chimique-en-traitement-de-l-eau/decantation/differents-types-de-decantation
- https://www.permaculturedesign.fr/comment-faire-un-jardin-en-permaculture/
- https://www.nortene.fr/conseils-jardin/70/5-conseils-pour-commencer-votre-potager-en-permaculture
- https://www.le-parefeuille.com/6-conseils-elevage-lapin-domestique.html
- https://www.securimed.fr/trousse-secours-industrie-extractive-personnalisable.html?checkPriceTTC&utm_campaign=&gad_campaignid=21312131405
- https://monvet.com/komondor-chien-hongrois-protecteur/
- https://www.expert-du-chien.com/labrit-berger-des-pyrenees-personnalite-caractere-education/
- https://www.senat.fr/questions/base/2006/qSEQ060623501.html (sépulture)
- https://shs.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-211?lang=fr (épitaphes)